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Agroforesterie Où en est on en France ?

L’agroforesterie, c’est quoi ?

C’est la production agricole (culture, élevage) en synergie avec les arbres. Haies, alignements d’arbres, prés-vergers, bois pâturés ou cultivés, arbres isolés... L’agroforesterie prend diverses formes selon les climats et les territoires. Le terme couvre l’ensemble des pratiques agricoles qui associent des arbres ou des haies aux cultures ou à l’élevage.


En France, près de 70 % des haies auraient été détruites depuis l’apogée du bocage (1850-1930), soit 1,4 million sur les 2 millions de km de haies présents à l’époque. Aujourd’hui, si les haies sont désormais protégées de l’arrachage, elles continuent néanmoins de disparaître, entre autres sous l’effet du vieillissement ou de mauvaises pratiques de gestion. Entre 2006 et 2014, la surface en haies et en alignements d’arbres en France métropolitaine aurait diminué de près de 6 %. En 2010, environ 500 000 ha de terres agricoles comprenaient des alignements d’arbres intraparcellaires, principalement en grandes cultures.


Conséquence des pertes de biodiversité, aux problèmes d’érosion des sols, de la dégradation de la qualité de l’eau et aux conséquences d’épisodes climatiques extrêmes ces dernières années, une prise de conscience a eu lieu afin de développer la place de l’arbre dans les systèmes agricoles. Pour encourager la plantation d’arbres dans les parcelles, des aides sont accordées aux agriculteurs aux niveaux de certains départements, des régions et sur crédits européens. Le gouvernement a notamment annoncé, par son plan de relance, 50 millions d’euros dans le programme « Plantons des haies ! ». Ce plan vise à planter 7 000 km de haies et arbres intraparcellaires sur la période 2021-2022, c’est-à-dire doubler les capacités annuelles de plantation agroforestière. Selon l’Ademe, le potentiel de développement de l’agroforesterie à l’échelle nationale d’ici 2030 est estimé à 400 000 ha de parcelles en agroforesterie et à 1,8 M ha de haies.

Ces pratiques restent encore peu connues et utilisées en France. Les raisons avancées sont généralement liées à une culture agricole qui manque de repères technico-économiques et de savoirs liés aux systèmes agroforestiers, à la difficulté de se projeter à plus long terme et de concevoir l’arbre comme un allié utile dans le système de production, ou encore à l’importance des coûts de plantation, de gestion des arbres et des haies. Pour autant, l’agroforesterie est de plus en plus attractive économiquement, agronomiquement et écologiquement.


L’arbre et la haie : un investissement économique rentable

Qu’ils soient intégrés en périphérie de la parcelle, intercalés avec les cultures ou encore plantés à l’échelle d’un bassin versant, les arbres, associés aux cultures agricoles ou à l’élevage, peuvent offrir de nombreux avantages potentiels sur le plan économique : augmentation de la fertilité et donc de la productivité des surfaces, abris et nourritures pour le bétail, compléments de revenus liés à la production de bois et de fruits, remplacement de la paille (plus chère) par des copeaux de bois pour le fourrage ou les litières, etc. Une expérimentation INRAE sur un système associant culture de blé et alignements de noyers à Restinclières (Hérault) a montré qu’une parcelle agroforestière de 100 ha pouvait produire autant de biomasse (bois et produits agricoles) qu’une parcelle de 136 ha où arbres et cultures auraient été séparés, soit un gain de 36%. De plus, cette biomasse peut être valorisée, au-delà des produits agricoles eux-mêmes. Elle peut permettre de développer de nouvelles filières à l’échelle locale, telles que la production fruitière, les débouchés en bois d’oeuvre, ou encore la filière bois-énergie, avec un bois d’origine locale issu des arbres entretenus sur les exploitations agricoles. Les dérivés qui ne sont pas vendus peuvent quant à eux être utilisés pour les besoins de l’exploitation, à moindre coût. En plus de ces débouchés directs, on commence à parler de rémunération des services écosystémiques rendus par les infrastructures agroécologiques maintenues sur les exploitations, dont les arbres et les haies font partie. Cette rémunération peut par exemple porter sur le stockage de carbone (label bas-carbone du Ministère de la Transition Écologique), prendre la forme de « Paiements pour Services Environnementaux » expérimentaux (comme promus par la loi « biodiversité » ou financés par des entreprises), ou encore être intégrée dans le nouveau dispositif « ecoscheme » de la PAC.


Les apports écologiques de l’agroforesterie

Lutte contre l’érosion des sols, atténuation du changement climatique et de ses impacts grâce au stockage du carbone, augmentation du bien-être et de la santé des animaux, abris et préservation de la biodiversité, préservation des paysages, régulation du cycle et de la qualité de l’eau... L’agroforesterie vise aussi à produire plus et mieux, tout en protégeant l’environnement et en agissant positivement sur des facteurs de production aussi déterminants que l’eau, le sol, le climat ou encore la biodiversité.


Atténuation des effets du changement climatique sur la production agricole

Les expert·e·s sont unanimes : l’arbre et les haies amortissent la crise climatique à plusieurs échelons.

Les épisodes de sécheresse, récurrents depuis 2017, ont clairement mis en évidence les bienfaits des arbres et des haies dans les parcelles : ombrage, brise-vent, biodiversité… leurs fonctionnalités sont multiples. En période de chaleur, la haie protège les pâturages et permet à l’herbe de rester plus verte, plus longtemps. Selon les essences, elle peut aussi être une source de fourrage pour l’alimentation des troupeaux, précieuse en cas de sécheresse prolongée. En période de froid, elle protège du vent. L’arbre encourage aussi la biodiversité et constitue un espace d’accueil pour les prédateurs de parasites (notamment les oiseaux). Au niveau de l’élevage, le projet PARASOL montre que les arbres sont en mesure de tamponner les excès climatiques, en diminuant la hausse des températures aux périodes les plus chaudes des journées estivales et en augmentant l’humidité relative.


De plus, la haie est bénéfique aux sols. Elle est tout d’abord un levier de gestion hydraulique : face aux inondations notamment, elle permet de diminuer l’érosion des sols en favorisant un écoulement plus naturel des eaux. Par ailleurs, elle permet un stockage plus important du carbone. Le bois issu de la gestion des haies peut également être broyé pour servir de litière pour les animaux, en remplacement de la paille. Le fumier qui en résulte stocke alors du carbone et améliore la qualité des sols.


Le projet Carbocage, mené par les Chambres d’agriculture des Pays de la Loire et de Bretagne, a permis de concevoir une méthode, labellisée par le Ministère de la Transition écologique, pour calculer le stockage additionnel de carbone par des haies gérées durablement. Sur les trois territoires étudiés, un effet significatif de la haie sur le stockage additionnel de carbone dans le sol des parcelles adjacentes jusqu’à une distance de 3 mètres a été constaté : en moyenne de 2,2 tC/100 m linéaires sur 90 cm de profondeur.



Bien-être animal

Au-delà d’une température de 30°C, les animaux sont en souffrance. L’effet d’ombrage et brise-vent des haies précédemment mentionné permet d’atténuer les fortes chaleurs et les grands froids.

On observe ainsi une amplitude thermique de 5°C entre l’espace des haies et le milieu des champs, en moins l’été et en plus l’hiver. Le confort est dès lors amélioré grâce aux arbres et aux haies.

Des analyses fourragères réalisées par l’INRAE montrent que certaines essences (notamment le frêne commun) améliorent la nutrition. Les feuilles de saule mangées par les vaches seraient même un anti-inflammatoire naturel et une source de minéraux, tandis que les litières en broyat de bois permettraient un assainissement de l’air, bénéfique au bétail.


Spécificités territoriales

Aujourd’hui, l’arbre est plus ou moins visible sur les exploitations agricoles françaises, selon le contexte paysager de chaque région. Ses variations sont emblématiques du patrimoine territorial.

Du côté de la région Auvergne-Rhône-Alpes, on trouve par exemple des noyeraies qui offrent les typiques Noix AOP de Grenoble et du Périgord, des châtaigniers dans les exploitations ovines ardéchoises ou encore des bocages dans l’Allier et l’Ain.

En Bretagne, les paysages bocagers sont multiples et divers (denses, à ragosses, distendus, associés aux haies, aux talus, aux murets…). La région compte 114 500 km de linéaire bocager, un élément constitutif du paysage rural Breton.

La Normandie, la Lorraine, l’Alsace et les Pays de la Loire concentrent quant à eux 100 000 ha de prés vergers, constitués en général de pommiers, de poiriers mais aussi de cerisiers et de mirabelliers, en plus de régions bocagères ou de prairies arborées.

De 2007 à 2010, 276 705 exploitations déclarent avoir entretenu des haies, soit 56% des exploitations.


(source : Solagro).

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