La moitié du phosphore disponible présent dans les sols agricoles au niveau mondial provient des engrais minéraux
Une étude de chercheurs de l’INRAE (l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) et de Bordeaux Sciences Agro a évalué la proportion de phosphore d’origine humaine dans les sols du monde entier.
Près de 47 % du phosphore disponible présent dans les sols agricoles au niveau mondial provient de l’utilisation des engrais minéraux. « Notre travail met en évidence le fait que notre production de nourriture est très dépendante des engrais minéraux de synthèse. Or, il va falloir apprendre à s’en passer », résume Joséphine Demay, scientifique qui travaille sur le phosphore dans l’agriculture. En effet, une partie importante de l’agriculture mondiale dépend des engrais phosphatés de synthèse puisque le phosphore contribue au développement des plantes pour lesquelles il est un nutriment essentiel. Les engrais minéraux à base de phosphore sont issus de l’extraction des roches phosphatés transformés en engrais. Leur usage s’est généralisé depuis les années 1950 avec la Révolution Verte (mouvement d’intensification de la production agricole reposant sur les produits phytosanitaires et les fertilisants de synthèse).
Les scientifiques alertent depuis des années sur des risques de pénurie d’engrais phosphatés d’ici la fin du siècle en raison de la surexploitation de la ressource. Ils prévoient « un pic du phosphore » avant 2050.
L’étude soulève aussi des questions d’équité de répartition des ressources. Les pays ayant très tôt intensifié leur agriculture, comme l’Europe de l’Ouest ou l’Amérique du Nord, ont fortement enrichi leurs sols en phosphore disponible par l’usage massif des engrais minéraux phosphatés. Il est désormais nécessaire pour ces pays de protéger et de valoriser cette fertilité acquise grâce à un recyclage amélioré et une transition agroécologique s’appuyant sur le développement des systèmes de polyculture élevage diversifiés, la diminution de l’érosion des sols et le retour au sol des effluents urbains. À l’inverse, les pays d’Afrique ont eu peu recours aux engrais minéraux phosphatés. Or beaucoup de leurs sols sont très déficients en phosphate, ce qui limite leur production agricole et alimentaire. C’est pourquoi il paraît nécessaire d’avoir une gestion plus équitable des ressources restantes en roches phosphatées pour les diriger vers les pays qui en ont le plus besoin et favoriser ainsi la sécurité alimentaire mondiale.
