- Par Delphine Daniel
Le mélange fermier en toute sécurité
Complémenter les agneaux et les brebis avec un mélange céréales/complémentaire est possible quel que soit le type de production (herbe ou bergerie) mais avec quelques précautions.
Si l’alimentation des brebis avec un mélange fermier est assez aisée, nourrir des agneaux ainsi est plus délicat.
En effet le régime alimentaire des agneaux est réfléchi pour augmenter leur croissance et leur engraissement au maximum. Ce type d’alimentation peut favoriser les céréales au dépend du fourrage. Du fait de leur jeune âge, les agneaux sont plus fragiles et ces déséquilibres peuvent leur être fatal. Même si le danger existe quel que soit l’aliment, le mélange fermier est plus risqué car les sources d’amidon sont moins variées et souvent plus fermentescibles.
Risque alimentaire n°1 : l’acidose ruminale
En fonction de l’intensité du déséquilibre les symptômes vont de la simple perte de croissance à la mortalité.
Dans le cas d’acidose chronique sur des agneaux, on rencontre un à plusieurs des symptômes suivants :
- Le lot est hétérogène avec dans le même lot des agneaux chétifs et bourrus et de beaux agneaux.
- Les agneaux prennent du retard, la croissance est plus lente malgré de bonnes consommations.
- Les agneaux grandissent peu, la laine pousse, elle est sèche et feutrée.
- Les agneaux mangent de façon irrégulière voire boudent le concentré, ils boivent plus.
- La mortalité est non négligeable et touche souvent les plus beaux agneaux (l’acidose favorisant l’entérotoxémie).
- Les agneaux présentent une diarrhée aigre de couleur kaki clair, quelques-uns sont ballonnés.
- Les muqueuses des agneaux sont roses à rouges vifs, la température rectale est normale (entre 38 et 39°).
- La fourbure (les animaux piétinent sans cesse) est rare chez l’agneau.
Quel que soit le mode d’élevage ces petites astuces permettent de sécuriser l’aliment.
- L’apport d’aliment fibreux (foin grossier, paille) est indispensable. Pour être sûr qu’il soit mangé veillez à sa qualité, à sa conservation, secouez-le régulièrement. Mieux vaut une bonne paille d’orge qu’un mauvais foin. Si le foin n’est pas mangé, jetez les refus et proposez un autre fourrage. Plus le mélange contient de céréales plus le fourrage doit être grossier.
- Multiplier les sources d’énergie pour permettre une libération de l’énergie dans le temps et éviter les pics fermentaires. Mélanger des sources rapides (triticale, blé), modérées (orge, maïs) et lente (avoine, épeautre, pulpe de betterave, racines). 2 à 3 sources d’énergie différentes sont suffisantes pour permettre une bonne digestion (les formules à rallonge ne sont pas nécessairement les meilleures).
- A partir de 6 semaines d’âge les céréales doivent être apportées entières. Concassées, laminées ou broyées les céréales deviennent très fermentescibles rendant le risque de troubles de la digestion important, avec parfois un impact sur la qualité des carcasses (tenue et couleur de gras) et une augmentation du nombre d’entérotoxines.
- Ne pas faire l’impasse sur le complémentaire (granulé ou tourteau). Un déséquilibre énergie/protéine est tout aussi néfaste qu’un déséquilibre énergie/fibre
- Le rationnement (1 kg par agneau et par jour) limite l’ingestion et donc les risques. Prévoir suffisamment de place à l’auge pour éviter la concurrence et alimenter au minimum 2 fois par jour. En cas de distribution unique l’ingéré est trop rapide. On constate alors des pics d’acidose tout aussi dangereux qu’une acidose chronique.
- On peut également mélanger du bicarbonate de sodium à la ration à raison de 5 à 10 g par kg d’aliment. Plus l’agneau mange, plus il consomme de bicarbonate, plus il est soigné. C’est particulièrement intéressant lorsque le rationnement est impossible. Si le bicarbonate calme les symptômes de l’acidose, il est sans impact sur la dégradation des qualités de carcasses en lien avec une alimentation déséquilibrée.
- Une prévention antiparasitaire est toujours intéressante. Lorsque les 2 problèmes coexistent, la mortalité est importante et les coûts alimentaires augmentent. Pour des agneaux nés et élevés en bergerie la coccidiose reste le parasite le plus fréquent.
Pour les agneaux gris rentrés et finis en bergerie, un traitement contre les strongles et le tænia dès la rentrée est impératif.
Spécificité des agneaux de bergerie
- Proposez le concentré le plus tôt possible (dès 1 à 2 semaines d’âge) pour permettre à la flore digestive de bien se développer.
- Commencer avec le même aliment que celui de finition. Si cela est impossible prévoir une transition de minimum 3 semaines et très douce. La transition doit être finie avant le sevrage ou démarrer seulement 15j après.
Cas particulier des agneaux d’herbe
Le mélange fermier peut être utilisé pour finir des agneaux d’herbe après sevrage mais le changement d’alimentation peut s’avérer brutal et causer des pertes importantes.
- La présence d’un nourrisseur au pré facilite la transition mais n’est pas une garantie stricte (certains agneaux n’y vont pas, d’autres trient).
- Séparer les gros et les petits agneaux, faire des lots de petite taille (évite la concurrence à l’auge).
- La transition doit être faite en douceur. L’augmentation des concentrés se fait 50 g par 50 g au début puis 100 g/100 g. en commençant par de petites quantités (100 à 200 g/agneau). En cas d’apparition de signes cliniques (diarrhée, ballonnement, refus…) un retour en arrière s’impose. En cas de tri important, laisser les agneaux finir la totalité avant de remettre du mélange.
- La surveillance de l’ingestion du fourrage est fondamentale.