Comprendre le fonctionnement du lien maternel pour bien démarrer l’agnelage

Le lien mère/agneaux, même s’il est naturel n’est pas obligatoire. L’attachement à l’agneau est un phénomène complexe qui nécessite un bon équilibre hormonal et un respect strict des besoins des animaux.

Comprendre le fonctionnement du lien maternel pour bien démarrer l’agnelage

Pour comprendre pourquoi les brebis refusent parfois leurs agneaux, il faut comprendre ce qui se passe dans le cerveau de ces animaux au moment de la mise bas. L’adoption est liée à la sécrétion d’une hormone appelée ocytocine. Cette hormone, produite par le cerveau, est responsable des contractions utérines et de l’expulsion du lait. Elle est sécrétée lorsque le col de l’utérus est stimulé. Concrètement, plus l’agneau s’engage dans le passage plus les contractions sont fortes. La naissance s’accompagne d’une montée laiteuse permettant à l’agneau de téter dès qu’il en est capable. Chaque tétée s’accompagne d’un pic d’ocytocine permettant ainsi de libérer le lait présent dans les mamelles au moment où l’agneau en a besoin. Cette hormone permet donc d’adapter le corps de la brebis aux besoins de son (ses) petit(s). En dehors de ces actions physiques, l’ocytocine à une action psychique, modifiant les comportements de la brebis.

L’ocytocine est responsable des comportements maternants tel que lécher l’agneau, se placer pour faciliter la tétée, gratter le sol pour forcer le lever, se placer entre l’agneau et d’éventuels dangers…

Elle explique notamment certains comportements pouvant être jugés étranges : léchage dans le vide des brebis durant l’agnelage, adoption de nouveaux nés par une brebis en cours de travail.

Le léchage de l’agneau à sa naissance est indispensable pour sa survie, il stimule sa respiration, lui permet de se réchauffer et permet la reconnaissance mutuelle des agneaux et de leur mère. L’odeur associée au léchage est reconnue par la mère comme étant celui de son petit. Ainsi, couvrir un agneau de placenta et d’amnios pour provoquer le léchage est une méthode efficace pour l’adoption d’un agneau extérieur à la fratrie. Si la brebis lèche cet agneau qui n’est pas le sien, l’adoption est sur la bonne voie.

Le léchage est fréquent en cours de tétée, notamment de la zone périnéale. Il permet la stimulation de la défécation et contribue à la reconnaissance mutuelle durant les premiers jours de vie. L’agneau favorise cette reconnaissance en remuant vigoureusement la queue devant le nez de sa mère, la position tête-bêche est d’ailleurs une position d’agneau adopté ou en cours d’adoption. Les agneaux voleurs tètent par derrière et refusent la perception de leur odeur, cela empêche toute création de lien mais leur permet de téter au vol.

Si l’ocytocine permet la reconnaissance et l’attachement mutuels, le lien entre la mère et son petit n’est pas définitif. Il est très fragile durant les 3 premiers jours, se stabilise au cours de la première semaine et se perd définitivement au sevrage. Une mère ne reconnaît plus son agneaux 10 jours après sevrage : elle ne le laisse plus téter, ne le protège plus, ne le sollicite plus (bêlement). Le refus de l’agneau peut donc arriver brutalement au cours des 3 premiers jours mais le lien peut également s’émousser tout au long de la première semaine pour être définitivement rompu vers 8-10 jours. La réceptivité de la mère étant maximale durant les 3 premiers jours, il est très difficile d’intervenir sur une rupture de lien constaté tardivement. Il est donc préférable de prévenir ces ruptures de lien (pour l’agneau et pour le berger qui va devoir consacrer beaucoup de temps pour un succès mitigé).

Cette réceptivité maximale durant les 3 premiers jours est liée à l’équilibre hormonal très particulier qui baigne la fin de gestation (notamment le fort taux d’oestrogène). Plus le taux d’oestrogène est élevé, plus la brebis comprendra les signaux liés à l’ocytocine. Cela implique une grande variabilité d’un animal à l’autre et quelques variations d’une mise bas à l’autre. Cet équilibre est fortement perturbé par l’adrénaline. Cette hormone liée au stress empêche la mise en place de la réceptivité et concurrence l’ocytocine. A la mise bas une brebis stressée «serre les fesses», les contractions sont moins fréquentes et moins puissantes. Pendant la lactation une brebis stressée «retient son lait», elle est difficile à traire et à téter. De la même manière une brebis stressée, refusera son agneau et adoptera des comportements de type «adrénaline» (fuite, agressivité, combat) incompatible avec l’allaitement d’un nouveau-né.

Les stress en cause sont nombreux. Cela peut être un stress d’ordre alimentaire (rentrée en bâtiment, mise en place rapide de l’alimentation hivernale, déséquilibre énergie/protéine, toxémie de gestation, parasitisme), d’ordre infectieux (parasitisme, agnelage compliqué/douloureux, maladies diverses), d’ordre comportemental (mélange gestante/lactante, réveil nocturne entre minuit et 5h, chien brutal, mise en case sportive). Les refus d’adoption en série sont souvent des indicateurs d’anomalies dans la conduite de fin de gestation. En cas de lot entier peu maternel ou de diminution globale de la facilité d’adoption, une révision de la ration de fin de gestation et du déparasitage des brebis avant mise-bas doit être mis en place, pour éviter que cela persiste sur le reste de l’agnelage.

De même que le taux d’oestrogènes est variable d’un individu à l’autre, la réceptivité au stress est variable d’un troupeau à l’autre. La maturité des brebis rentre en jeux également. En effet les agnelles n’ont pas nécessairement acquis une maturité cérébrale suffisante pour comprendre la différence entre ces 2 hormones (adrénaline et ocytocine). On constate souvent sur ces animaux des réactions de peurs et de fuites, voire de combat, alors que la stimulation est normalement maternante (mise-bas normale, tétée de l’agneau). Ces réactions sont liées au jeune âge et le plus souvent ne persistent pas dans la carrière de cette agnelle.


A retenir

  • Mise en place du lien mère/jeune :
    Déterminé par l’ocytocine, hormone de la mise bas et de la lactation
    Réceptivité liée au bon déroulement de la fin de gestation
    Forte sécrétion d’ocytocine au passage du col et lors des tétées
    Concurrence par l’adrénaline hormone du stress

    Concrètement :
    La brebis doit sentir passer chaque agneau sans être distraite ou effrayée
    Le léchage est signe d’une bonne imprégnation
    C’est un cercle vertueux : plus l’agneau tète, plus la mère l’adopte et le laisse téter
    et un cercle vicieux moins l’agneau tète, moins la brebis le laisse téter….


Que faire ?

  • Bonne préparation à la mise bas (alimentation et déparasitage des brebis en fin de gestation)
    Minimiser douleur et stress à la mise bas
    Déboucher les tétines des brebis à risque (triplés, portée hétérogène, brebis fatiguées, agnelles, adoptions)
    Fouille des brebis adoptantes, utilisation des jus pour mouiller l’agneau à adopter
    Première tétée rapide (moins de 2h), aider à la tétée si besoin
    Préférer l’assistance à la tétée que le biberon des agneaux mous, idiots ou petits
    En cas de portée triple, laisser une portée homogène, biberonner l’agneau différent.
    Favoriser des tétées nombreuses :
        - Passage en case des doubles au moins 24h
        - Case de préallotement (3 à 5 brebis suitées maximum)
         - Puis case de lactante (pas de mélange gestantes/lactantes)
        - Puis mise à l’herbe éventuelle, seulement si le lien est fort