- Par INOSYS - Réseau d'Elevage
Facteurs de résilience des systèmes ovins viande
Du milieu des années 1980 jusqu’au début des années 2000, l’élevage ovin viande français a été soumis à une forte pression sur les prix qui a conduit à un repli très important du cheptel. Le prix de l’agneau français s’est fortement apprécié depuis une quinzaine d’années, mais la conjoncture est maintenant marquée par la volatilité des prix des matières premières, qui s’est rajoutée aux différents aléas auxquels les élevages ovins sont exposés (climatiques, sanitaires...).
L’étude présentée dans cette synthèse recense des trajectoires d’élevages ovins viande ayant une forte capacité de résidence à ces aléas, et analyse les facteurs qui en sont à l’origine.
Méthodologie
La résilience correspond à la capacité à absorber les chocs, les crises, pour retrouver son état ou sa trajectoire initiale, voire bâtir un nouvel équilibre. Dans cette étude, les exploitations de la base de données Inosys-Réseaux d’Elevage ont été classées en quatre systèmes :
• Spécialisés des zones de plaines ou herbagères (PH), • Spécialisés des zones pastorales ou de montagne (PM), • Ovins-Grandes cultures, • Ovins-Bovins viande.
Au sein de chaque système, elles ont été classées en fonction de leur revenu disponible moyen par unité de main-d’œuvre (UMO), sur la période 2007-2013. Le tiers supérieur a été considéré comme résilient, le tiers inférieur comme non résilient.
Ce qui différencie les élevages résilients et non-résilients de la base diapason
Des structures plus grandes
Rapportées à l’UMO, les exploitations Resilientes bénéficient de structures plus grandes. En moyenne sur les 7 années, on compte + 13 % de brebis par UMO pour les Spécialisés des zones de plaines ou herbagères, + 35 % pour ceux des zones pastorales ou de montagne, et + 24 % d’UGB pour les Ovins-Bovins viande.
Un avantage de localisation pour les Ovins-Grandes cultures
Les exploitations Ovins-Grandes cultures résilientes bénéficient de structures plus grandes (+ 22 % en hectares de SAU/UMO), et sont plus représentées en zones à bon potentiel. Les cultures industrielles sont donc plus fréquentes dans leurs assolements, et l’accès aux différents coproduits leur est plus facile. Leurs cheptels sont nettement plus petits (- 31 % de brebis/UMO).
Des endettements inférieurs dans certains systèmes
En 2007, seuls les Résilients Spécialisés des zones de plaines ou herbagères et Ovins-Bovins viande bénéficiaient de moindres taux d’endettement : respectivement 9 et 7 points de moins que les Non Résilients. Dès la flambée des matières premières de 2008 les écarts se sont creusés rapidement dans les différents groupes, à l’exception des Ovins-Cultures, vendeurs de céréales et plus autonomes en concentré. Les annuités initiales des Résilients étaient inférieures de 7 KC/UMO dans les deux groupes Spécialisés, mais ce n’était pas le cas pour les systèmes mixtes, du fait des plus fortes capitalisations des résilients.
Des investissements plus conséquents
En début de période, les amortissements des Résilients étaient supérieurs de 30% à 40% pour les Spécialisés, et même d’un niveau double pour les systèmes mixtes. Ces élevages résilients ne correspondent donc pas à des situations de fin de carrière sans renouvellement de l’outil de production. Pour les Spécialisés, ces amortissements supérieurs avec des annuités inférieures démontrent de plus fortes capacités d’autofinancement, et peut-être un meilleur accès aux subventions d’équipement.
Des conduites de la reproduction plus intensives pour les mixtes, plus robustes pour les spécialisés
Les meilleures productivités numériques par brebis des Résilients des Ovins-Grandes cultures et Ovins-Bovins viande sont obtenues grâce au cumul de taux de mise bas et de prolificité supérieurs et de taux de mortalité inférieurs. En revanche les productivités des Résilients Spécialisés sont équivalentes (zones de plaines ou herbagères) voire légèrement inférieures (zones pastorales ou de montagne),
avec de moindres taux de prolificité et de mortalité, voire de moindres taux de mise bas (zones pastorales ou de montagne). Ces élevages ne sont donc pas plus productifs à la brebis, mais plus efficients ou plus robustes : moins de charges et de travail pour obtenir plus ou moins le même résultat.
Des élevages moins impactés par la sécheresse de 2011
La sécheresse de 2011 a globalement moins affecté les élevages Résilients des différents systèmes, avec des achats de fourrages plus faibles ou plus limités dans le temps. En moyenne sur la période, les Spécialisés Résilients des zones pastorales ou de montagne sont structurellement plus autonomes : achats de fourrages de moins de 7 €/brebis sur les 7 années, contre plus de 10 € pour les Non Résilients. A l’opposé, les Ovins-Cultures Résilients achètent davantage de fourrages, du fait des opportunités d’achats de coproduits (pulpes surpressées, drèches...).
Des autonomies en concentré comparables, mais des consommations moindres (hors Ovins-Cultures)
Les consommations de concentré des Résilients des deux groupes Spécialisés et des Ovins-Bovins viande sont inférieures. Si on n’observe pas d’avantage net concernant leur autonomie en concentré, elle a plutôt eu tendance à progresser face à l’augmentation des prix des aliments. Comme pour les fourrages, les Ovins-Cultures Résilients sont moins autonomes en concentré, en lien avec les possibilités de contractualiser des achats de pulpes déshydratées.
Ce qui caractérise les 21 élevages résilients enquêtés
Des formations supérieures et des transmissions familiales
Les formations de l’enseignement supérieur (BTS) sont très bien représentées : 6 exploitants sur 10, contre 17% au Recensement Agricole du 2010, même s’il faut tenir compte du biais lié à leur appartenance au réseau de fermes de références Inosys-Réseaux d’élevage. Les expériences professionnelles antérieures sont assez rares (2 exploitants sur 10). Les installations familiales sont prédominantes (8 sur 10) face à celles hors cadre. Plusieurs cas d’installation progressive sont recensés, principalement dans un cadre familial permettant au jeune de “se faire la main” tout en bénéficiant de l’appui de la famille.
Priorité aux bâtiments et à leurs équipements
La, volonté d’améliorer les conditions de travail se traduit par des investissements ciblant d’abord les bâtiments et leurs équipements, à des niveaux très variables : des tunnels aux bâtiments “en dur”, de la dérouleuse à la distribution automatique de concentré, etc. Les situations où “l’exploitant se fait plaisir avec les tracteurs” sont marginales par rapport aux pratiques de gestion très rationnelle du matériel, y compris dans les systèmes Ovins-Grandes cultures. Dans certains systèmes mixtes, l’association des ovins aux bovins découle de la recherche d’installations plus sécurisées.
Des animaliers avant tout
Pour les techniciens qui les suivent, le trait le plus commun de ces éleveurs est qu’ils sont avant tout animaliers. Ils aiment les animaux et passent du temps dans leurs bergeries. Mais ils ne recherchent pas forcément des performances zootechniques élevées, surtout lorsque la priorité est donnée à l’autonomie alimentaire (pastoraux, bios...). La capacité de gestion est également soulignée : capacité à prendre du temps pour réfléchir, s’informer, écouter, anticiper les risques...
Des spécialisés qui sécurisent leurs systèmes
En zones de plaines ou herbagères, les spécialisés sont majoritairement axés sur la valorisation maximale de l’herbe par le pâturage. Dans cette optique, certains ont choisi de réduire le chargement de leur surface fourragère et/ou la part des cultures. Pour les pastoraux, il est prioritaire de sécuriser l’accès au foncier, par le passage de locations verbales au fermage ou à des conventions de pâturage, afin de favoriser l’autonomie alimentaire.
Trouver un équilibre entre autonomie alimentaire et charge de travail
L’équilibre des systèmes herbagers spécialisés passe souvent par l’absence ou la faible part des agnelages de contre-saison. Chez les Ovins-Bovins viande, le décalage des agnelages et des vêlages, pour des raisons de travail, peut s’opposer au regroupement de toutes les mises bas en fin d’hiver. Les agnelages de contre-saison sont ainsi mieux représentés. Les pratiques de gestion fine du pâturage tournant (adaptation de la taille des lots aux parcelles, recombinaisons régulières de ces lots pour maintenir leur homogénéité...) peuvent aussi se heurter à la volonté de limiter la charge de travail.
Gérer les aléas climatiques : stocks de report et ajustements fauche-pâture
Des baisses de chargement ont parfois sécurisé les systèmes herbagers. Pour les pastoraux, cela correspond à la recherche de surfaces de parcours excédentaires, ou à un plus fort recours aux estives collectives. La gestion préventive des sécheresses passe aussi par la constitution de stocks de report, voire sur pied (pâturage tournant). Lorsque la sécheresse est là, différents leviers sont actionnés : faucher moins en ajustant strictement les stocks aux besoins du troupeau, recouper les parcelles pour augmenter le chargement au pâturage, faucher tôt les refus pour des repousses plus précoces, complémenter davantage les agneaux d’herbe ou les rentrer en bergerie...
Faire face aux fluctuations de prix des aliments : diversifier les ressources
Les systèmes spécialisés ont peu de marges de manœuvre en matière de céréales prélevées. Selon le potentiel des sols, notamment chez les Ovins-Bovins, l’amélioration de l’autonomie alimentaire peut se faire par la diversification des ressources (légumineuses, protéagineux en pur ou en méteil, maïs ensilage, raves...). Dans les systèmes herbagers, l’ajustement du niveau de complémentation des agneaux d’herbe, voire de leur poids de vente, atténue l’impact des hausses des prix des aliments.
Des systèmes Ovins-Grandes cultures plus sécurisés : accès aux coproduits et ajustement de la taille du cheptel
La gestion des aléas est plus simple en système Ovins-Grandes cultures : plus de céréales prélevées, sans dépense apparente, plus de paille distribuée, voire plus de pulpe. Compte tenu de la prépondérance de l’atelier cultures, l’adaptation de la taille du troupeau, en cas de sécheresse ou de conjoncture défavorable (prix des aliments), est une solution que plusieurs de ces éleveurs n’hésitent pas à mettre en œuvre.
Des éleveurs plus démunis face à la prédation et au vol
La prédation et le vol constituent des aléas plus difficiles à gérer. Les renards, corbeaux et autres peuvent causer des dégâts conséquents en zones de plaines ou herbagères, mais qui restent sans comparaison avec ceux causés par le loup. La sévérité des attaques subies par un des élevages pastoraux l’a amené à entamer une réorientation vers l’élevage bovin.
En CONCLUSION
Les éleveurs résilients bénéficient souvent de structures plus favorables, en termes de dimension ou de localisation.
Ils savent conjuguer passion et raison : leur fort attrait pour l’élevage ovin ne les empêche pas de veiller à se ménager de bonnes conditions de travail, par des investissements bien ciblés dans les bâtiments et leurs équipements. Leur ouverture d’esprit et leur capacité d’anticipation leur permettent de s’adapter et de mieux affronter les différents aléas en actionnant des leviers divers, comme la baisse du chargement, la diversification des ressources alimentaires et la constitution de stocks de report (herbagers et les pastoraux), ou le recours aux divers coproduits et à l’ajustement de la taille du cheptel (Ovins-Grandes cultures).
INOSYS-Réseaux d’élevage D’après un document édité par l’Institut de l’Elevage - www.idele.fr Juin 2017. Réalisation : Valérie Lochon Ont contribué à ce dossier : Catherine Venineaux-Delvalle - Institut de l’Elevage - catherine.delvalle@ma02.org Carole Jousseins - Institut de l’Elevage - carole.jousseins@idele.fr Gilles Saget - Institut de l’Elevage - gilles.saget@idele.fr Gérard Servière - Institut de l’Elevage - gerard.serviere@idele.fr Jean-François Bataille - Institut de l’Elevage - ¡ean-francois.bataille@idele.fr Louis-Marie Cailleau - Institut de l’Elevage - louis-marie.cailleau@idele.fr Vincent Bellet - Institut de l’Elevage - vincent.bellet@idele.fr INOSYS-RESEAUX D’ELEVAGE Un dispositif partenarial associant des éleveurs et des ingénieurs de l’Institut de l’Elevage et des Chambres d’agriculture pour produire des références sur les systèmes d’élevages. Ce document a été élaboré avec le soutien financier du Ministère de l’Agriculture (CasDAR) et de la Confédération Nationale de l’Elevage (CNE). La responsabilité des flnanceurs ne saurait être engagée vis-à-vis des analyses et commentaires développés dans cette publication.