- Par Delphine Daniel
Les haies bocagères : intérêts agronomiques et valeurs médicinales
Que valent vos haies ?
Les haies bocagères connaissent un regain d’intérêt ces dernières années. La protection qu’elles apportent aux animaux contre la pluie, le vent et le soleil n’est plus à démontrer. On connaît également leurs rôles bénéfiques sur les sols contre le lessivage et l’érosion. Son action indirecte par hébergement des oiseaux insectivores et des auxiliaires de cultures commence à faire son chemin. Mais son intérêt alimentaire est fortement ignoré autant sur les qualités nutritionnelles des feuilles d’arbres et d’arbustes de haies que sur la valeur médicinale de certaines essences.
Un apport alimentaire non négligeable
La consommation de feuilles est souvent décrite comme un pis-aller, comme d’une consommation de disette, d’herbe du pauvre… cette réputation est clairement infondée (voir tableau 1). Selon les espèces végétales, les valeurs alimentaires vont de la bonne herbe à la céréale et sont très loin des valeurs de la paille. Par exemple, des feuilles de sureau ont une valeur alimentaire proche d’un granulé complet type lactation, la feuille de frêne vaut une orge, celle du noisetier une bonne herbe. De plus la quantité de feuillages consommée en une bouchée peut dépasser celle de l’herbe. En effet, pour des arbres à grosses feuilles et à forte biomasse (frêne, robinier, saule, châtaigner, genet, lierre grimpant, troène, bouleau …) 10 minutes de consommation permettent d’avaler autant de matière sèche que 30 min de pâturage d’herbe (source INRAE). Cet ingéré a d’autant plus de valeur que la chaleur limite la mobilité des animaux et le temps passé à brouter.
Ces valeurs alimentaires peuvent paraître surprenantes, les haies sont composées de végétaux ligneux. Or, la lignine est complètement indigeste. Mais en observant nos animaux, nous constatons que seules les feuilles sont consommées et non l’écorce. A l’analyse, les feuilles d’arbre contiennent entre 10 et 30 % de lignocellulose (source inrae) contre 50 % dans la paille et 20 à 50 % dans les graminées et légumineuses cultivées. Les DMO (digestibilité de la matière organique) sont tout à fait comparables à celles de l’herbe ou des céréales et très loin de celle de la paille. Au bilan, les feuilles de haie ne sont pas un sous-aliment ligneux. Au contraire, elles sont tout à fait incorporables à une ration quotidienne et complètement compatibles avec un niveau de production élevé.
Il faut cependant moduler ces informations d’un peu d’observations. En effet, si ces consommations peuvent être notables, l’herbe reste l’aliment principal et les ruminants retournent à l’herbe plusieurs fois par jour. L’ingestion de haie permet d’augmenter la consommation globale, l’appétit et la qualité des productions mais ne se substitue pas à une herbe disponible en continu (source inrae). En absence d’herbe chez la brebis et chez la vache, on constate une diminution de la consommation de feuilles.
Et sur l’état de santé des animaux
Dans les troupeaux rustiques ou avec une longue expérience du pâturage, en plus de l’attrait alimentaire des feuilles, des consommations médicinales sont constatées. La grande diversité des arbres et arbustes offrent aux animaux un large panel de plantes d’intérêt. Une liste non exhaustive est donnée dans le tableau 2 page précédente.
La plupart des plantes médicinales sont extrêmement communes dans les haies bocagères de nos régions et ne nécessitent pas de plantation, ni d’entretien excessif. Elles arrivent d’elle-même, pour peu qu’on leur permette de s’installer : la protection par les ronces est impérative pour le démarrage d’un certain nombre d’arbre et d’arbrisseaux qui seraient mangés par les cervidés et les lapins ou même nos ruminants s’ils étaient plus facilement accessibles.
A défaut de connaître la totalité des effets de la totalité des plantes, la mise à disposition d’une grande variété végétale est la clef du succès. La consommation de feuilles contenant des principes actifs ne permet pas à elle seule de guérir complètement un animal mais participe à sa bonne santé générale et à la lutte contre des maladies débutantes. Elle permet ainsi de ne pas permettre aux épidémies de s’installer et facilite la lutte contre celles-ci.
De plus, manger en hauteur permet de limiter la consommation de larves de parasites. Ces larves ne parviennent pas à grimper sur les végétaux au-delà de 12 cm, hauteur toujours dépassée par le feuillage. Moins de larves ingérées par un animal, c’est une plus grande facilité pour installer son immunité et une plus grande efficacité de la consommation de plantes vermifuges qui nécessitent une longue durée de consommation et des charges parasitaires faibles. Concrètement pour l’éleveur ce sont des traitements en moins et des animaux plus productifs.