- Par AP
Produire des ovins sous panneaux photovoltaïques au sol Ce qu’il faut savoir avant de se lancer
Les éleveurs ovins sont de plus en plus sollicités pour faire pâturer et entretenir des parcs photovoltaïques au sol, voire pour en implanter sur leur exploitation. Ces nouvelles installations soulèvent de nombreuses questions en matière d’impacts sur la gestion du troupeau, du pâturage et du travail. Ce document propose de manière synthétique de faire le point sur les recommandations actuelles et sur les questions pour lesquelles nous manquons encore de recul.
Quelle race choisir ?
A priori, toutes les races de brebis peuvent pâturer sous les panneaux photovoltaïques dans la mesure où le point le plus bas des panneaux est au minimum à plus d’un mètre du sol, voir au-delà de 1,1 m dans l’idéal. À noter que cette hauteur doit être respectée en tout point du parc et cela quelle que soit la topographie du site, au risque de blessures pour les races de grand format.
À ce jour, nous ne disposons pas de références pour les brebis à cornes.
Quelles catégories d’animaux peuvent pâturer sous les panneaux ?
Toutes les catégories d’animaux, même les plus exigeantes, peuvent pâturer sous les panneaux. Cela dépend avant tout de la ressource fourragère disponible.
Pour les brebis en cours de mise bas, si la présence des tables et de clôtures autour du parc peut faciliter l’agnelage en plein air vis-à-vis de la prédation et grâce à l’effet « microclimat » des panneaux qui protègent des intempéries, nous manquons encore de recul sur les contraintes de travail. Quoi qu’il en soit, il est conseillé de cloisonner en petites surfaces pendant cette période pour faciliter la surveillance.
Concernant la conduite des agneaux, les premières mesures montrent que leur croissance avant sevrage est aussi bonne avec des brebis pâturant sous les panneaux que dans des prairies classiques (avec des couverts similaires bien entendu).
Pour la finition des agneaux après sevrage, la ressource doit être de très bonne qualité et en quantité avec, dans la majorité des cas, une complémentation à prévoir. C’est ce cas de figure qui est le plus compliqué à mettre en oeuvre en présence de panneaux.
C’est pourquoi il peut être recommandé, pour la finition, de les rentrer en bergerie ou de les déplacer sur une autre parcelle sans panneau…
Faut-il adapter la gestion de la reproduction ?
À partir du moment où des lots d’animaux seront disponibles pour pâturer sous les panneaux au fur et à mesure de la pousse de l’herbe, tous les systèmes de reproduction peuvent être mis en oeuvre.
Lors d’agnelages en plein air, une attention particulière devra être portée sur le travail et la surveillance des animaux qui peut être plus compliquée à gérer en présence des panneaux.
Quelles sont les recommandations en matière d’alimentation du troupeau ?
La gestion du pâturage est l’élément déterminant de la réussite d’un projet agrisolaire ou de pâturage de centrales photovoltaïques au sol. Elle doit s’appuyer sur une conduite de pâturage adaptée qui maximise à la fois l’utilisation de la ressource fourragère par les animaux tout en assurant un entretien optimal de la centrale en évitant la sélection ou le tri par les animaux ou les zones sous pâturées propices aux refus.
Quelle conduite de pâturage adopter ?
Le choix entre pâturage continu ou pâturage tournant se fera en fonction de la qualité du couvert mais aussi des contraintes de l’éleveur.
Le pâturage continu peut être mis en oeuvre sur des surfaces à faible potentiel, la variable d’ajustement sera le chargement en ajustant le nombre de brebis sous les panneaux pour valoriser au mieux l’herbe et limiter les refus.
Dans les autres situations Il est fortement conseillé d’adopter un pâturage tournant avec un niveau de chargement important en instantané (80 brebis/ha à un moment donné) ou du pâturage dynamique (entre
200 et 500 brebis/ha à un moment donné).
Cela permet de répondre aux objectifs de performances du troupeau, performances du couvert et entretien du parc solaire.
Dans tous les cas, la gestion du pâturage sous panneaux nécessite des ajustements et de l’attention pour limiter les refus.
Les moyens de rénovation de la prairie étant plus compliqués à mettre en oeuvre avec la présence des panneaux, il est impératif de respecter les hauteurs d’herbe minimales (5 cm) à la sortie des animaux pour ne pas dégrader le couvert.
En cas de présence de ligneux, une augmentation du chargement instantané est nécessaire.
Enfin, le pâturage hivernal est possible.
Quel niveau de chargement faut-il prévoir ?
Le niveau de chargement annuel dépend de la ressource fourragère disponible en qualité et quantité et des besoins des animaux.
À ce jour, malgré le manque de référence, il est conseillé de respecter des niveaux de chargement équivalents à une gestion des surfaces sans panneau. Dans tous les cas, référez-vous à votre conseiller ovin ou fourrage.
À noter que la présence de panneaux peut influer sur la pousse de l’herbe. Ainsi, en fin d’hiver – début de printemps, les panneaux sont susceptibles de protéger l’herbe du gel, permettant ainsi une pousse plus précoce mais qui pourra également être ensuite retardée par l’ombre des panneaux en début et milieu de printemps. À l’inverse en fin de printemps et durant la période estivale, l’ombre des panneaux permettra de garder de la fraîcheur et ainsi maintenir la pousse de l’herbe.
Quelles solutions en cas de ressources fourragères insuffisantes ?
En plus des surfaces de la centrale, il est indispensable pour sécuriser son système de production de disposer de surfaces non couvertes par les panneaux, notamment des parcelles de fauche pour constituer du stock de fourrages en cas de besoin.
Toutefois, en cas de ressources fourragères insuffisantes, plusieurs options peuvent être envisagées :
- Affourager au parc
Il peut être envisagé d’affourager mais le risque est de créer des zones de piétinement. Il est dans ce cas conseillé de privilégier les zones stabilisées pour ne pas dégrader la prairie.
- Épandre de l’amendement
L’opération est réalisable même en présence de panneaux mais il est recommandé en amont d’en déterminer les conditions de réalisation avec le gestionnaire de la centrale (notamment comment et qui le réalise) car les risques de salissures des panneaux sont réels.
- Réensemencer les surfaces
Là aussi, la possibilité de réaliser cette opération doit être prévue et discuter avec le développeur et l’exploitant de la centrale en amont du projet
Y a-t-il des points de vigilance à avoir concernant l’implantation de la centrale ?
En amont de l’implantation de la centrale photovoltaïque, sa conception doit être réfléchie pour optimiser le pâturage sous les panneaux.
La disposition des panneaux doit permettre de poser des clôtures fixes et mobiles électriques en parallèles et perpendiculaires des panneaux d’une part ; et de prévoir des points d’eau accessibles dans chacune des cellules de pâturage d’autre part.
Pour une conduite en pâturage tournant ou dynamique, il est recommandé en amont de sa conception, de dessiner les îlots de pâturage à partir du plan de la centrale. La pose de clôtures fixes au sein de la centrale par le développeur peut être négociée.
Le choix du type de structures peut impacter le couvert végétal mais surtout va influer sur la possibilité ou non de réensemencer sous les panneaux au cours de la vie de la centrale. Cette opération est facilitée en mono-pieu. Dans tous les cas, la distance entre les rangées de tables doit être suffisante pour laisser passer les engins agricoles.
Pour une bonne gestion du pâturage, la libre circulation des animaux en tout point du parc ne doit pas être entravée notamment par des équipements mal positionnés ou trop bas ou par des rangées de panneaux tout en longueur (en effet des parcelles de pâturage de forme étirée peuvent créer des zones sous pâturées).
La qualité du couvert végétal est primordiale. Un couvert végétal dégradé ou non adapté au pâturage ne satisfera pas les besoins des animaux. Il est donc fondamental de connaître la qualité initiale du couvert pour mettre en place une stratégie de gestion du couvert adaptée
Quelles précaution prendre pour le Bien-être des animaux ? 
Avant toute chose, en cas de proposition de pâturage sur des terrains non agricoles, il est indispensable de s’assurer auprès du développeur que les sols ne sont pas pollués (ancienne mine ou décharge…), ce qui pourrait représenter un risque pour les animaux.
Les équipements électriques ainsi que les regards sont nombreux sur une centrale et peuvent remettre en question la sécurité des animaux.
Au-delà du risque d’électrocution par grignotage des câbles, c’est surtout celui de pendaison qui est évoqué par les éleveurs. Il est recommandé d’accorder une vigilance particulière à la protection des équipements électriques, compte tenu, notamment, du risque d’électrocution.
Ainsi tous les câbles du système doivent être hors de portée des animaux ou être protégés par des gaines et fixés solidement.
Pour le bien-être des animaux, leur surveillance régulière est primordiale et ne doit pas être sous-estimée. La présence des panneaux complique l’observation des animaux qui peut être facilitée par la réalisation de parcelles d’environ 2 ha.
Un parc de contention est également indispensable sur le site du parc solaire pour toutes les manipulations d’animaux
Concernant la question de l’effet des ondes électromagnétiques sur la santé des animaux d’élevage ou sur l’homme, si le rayonnement émis par les équipements photovoltaïques est a priori relativement faible, leur incidence sur le long terme est mal connue et ne fait pas consensus au niveau scientifique.
À noter que le positionnement des onduleurs et transformateurs doit être réfléchi pour éviter les courants vagabonds.
Enfin, à ce jour, nous ne disposons pas de données sur l’incidence éventuelle de la présence des panneaux sur le parasitisme interne et externe. Nous proposons donc la même vigilance que sur des prairies sans panneau en lien avec la conduite du pâturage.
Quels peuvent être les impacts sur les conditions de travail ?
Le travail généré par la gestion du pâturage et la surveillance des animaux ne doit pas être sous-estimé. Il est donc important en amont de la conception de la centrale ou de la signature d’un contrat d’entretien de prévoir un maximum d’équipements ou d’aménagements qui faciliteront le travail par la suite, notamment en matière de clôtures, de contention, d’abreuvement des animaux et de matériel type quad…
Une prise en charge des investissements nécessaires à la bonne conduite du pâturage et au bien-être des animaux (notamment en matière de surveillance) peut être assurée par le développeur.
Autre point important à anticiper, la mise en place d’un système permettant de repérer facilement les animaux au sein de la centrale pour faciliter notamment le remplacement de l’éleveur.
EN PRATIQUE
Répertoriez sur un plan les n° de blocs et d’allées pour gérer la localisation des animaux et ainsi faciliter la passation des consignes.
Enfin, du moment où la hauteur minimale des tables de 1 m est respectée, le travail avec le chien n’est, a priori, pas impacté. Cependant un temps d’adaptation est très certainement à prévoir.
À quoi faut-il penser en matière de contractualisation ?
Le couplage d’une activité de production d’énergie solaire au sol avec la production ovine implique des adaptations sur la manière de travailler pour chacune des parties et il est important pour cela d’établir clairement les bases de la future relation. N’hésitez pas à vous faire accompagner et/ou à regarder ce qui se pratique déjà ailleurs.
Une formalisation du partenariat sous la forme d’un contrat est indispensable. Cette contractualisation doit être faite sur du long terme et doit prévoir la transmission de l’exploitation des pâtures.
Mais au-delà de sa formalisation, la réussite du partenariat passe également par une bonne communication entre les parties avant et pendant le projet.
LES ÉLÉMENTS À DISCUTER AVEC LE DÉVELOPPEUR
• Les objectifs et contraintes de chacun,
• La répartition des investissements : équipements pour les animaux, clôtures, équipement de pose des clôtures, semences, matériel d’entretien pour les refus…
• La répartition des tâches : réalisation et financement d’un réensemencement, entretien mécanique complémentaire…
• La répartition des responsabilités : dégradation des équipements de la centrale, incidents techniques, blessures des animaux, non respect des engagements notamment en matière d’entretien de la végétation, mais aussi gestion en cas de travaux de maintenance conduisant à une indisponibilité des surfaces…
• Le partage du calendrier prévisionnel de pâturage et d’interventions,
• Les formations et accompagnement à mettre en place pour que chaque partie exerce son métier et ses responsabilités dans les meilleures conditions.
D’après un document Inn’ovin réalisé par Audrey Desormeaux (FNO) avec le concours de Charlotte Brasseur (Idele), Odile Brodin (CA18),
Julien Fradin (Idele), Marie Miquel (Idele), Rodolphe Puig (CA46), Gilles Saget (Idele), Laurence Sagot (Idele), Danielle Sennepin (CA23), Christophe Rainon (CA58), Christelle Vaillant (CA57).