- Par Delphine Daniel
Quand la mort des nouveau-nés aide à piloter la conduite des brebis
Trop petit, mal adopté, sans raison apparente... la mortalité dans les 2 premiers jours est de cause multiple. Cela dit, le lien mère/agneau et les conditions d’agnelages sont une part importante de cette mortalité.
Lorsqu’on dépasse 5 % de pertes dans les 2 premiers jours, des leviers d’améliorations existent. La mortalité excessive se cumule souvent avec de mauvais démarrages. Un lot raté l’est souvent dès les naissances. La plupart du temps cela aurait pu être évité : l’alimentation, la complémentation minérale, le déparasitage en fin de gestation influencent grandement le déroulement de la mise bas et les qualités maternelles des brebis. Les agneaux mort-nés ou mourant dans la première journée sont d’excellents indicateurs de la conduite.
En autopsiant environ 5 « mort-nés » dans la première semaine de mise-bas, on peut rapidement effectuer les changements nécessaires sur les brebis gestantes et prévenir les écueils classiques d’un lot mal démarré.
L’autopsie de nourrisson est une technique simple qui demande peu de temps
(3 minutes montre-en-main suffisent pour une autopsie approfondie).
Après une inspection extérieure, l’agneau est posé sur le dos. L’incision est faite au milieu du ventre en allant de la tête au périnée en faisant attention à ne pas couper les viscères sous la peau. Le nombril est inspecté au passage. Les organes d’importances se situent juste sous l’incision : la caillette au-dessus du nombril est la première à être vue. Son remplissage est vu par transparence, il est possible de l’inciser pour se rendre compte de la quantité de lait tété. En repoussant tous les viscères, on trouve les reins collés contre la colonne vertébrale, le plus souvent peu visibles car noyés dans une graisse rouge/brune. Les poumons et le cœur sont dans la cage thoracique qui se coupe facilement au scalpel à cet âge. Une incision des muscles du gigot donne une idée de la complémentation en sélénium.
Les réponses apportées peuvent concerner l’agneau lui-même et le soutien qu’on a pu lui apporter (aide à la tétée, refroidissement…). Elles concernent également les brebis et leur conduite. Seules les causes qui se répètent doivent être prises en considération.
Concernant la conduite des mères
Sont-elles correctement alimentées et déparasitées en fin de gestation ?
La quantité de réserve de l’agneau à la naissance lui permet de maintenir sa température entre 2 tétées. La qualité de la ration et le bon suivi parasitaire détermine entièrement la quantité de graisse brune. Cette graisse particulière est stockée pendant les 3 dernières semaines de gestation autour du cœur et au-dessus des reins de l’agneau. Sur un agneau suffisamment pourvu, les reins ne sont plus visibles noyés dans une substance rose/brune compacte qui prend la forme des viscères posés dessus. Si le rein est visible c’est que l’agneau a consommé ses réserves ou que la brebis n’a pas été correctement nourrie. Dans une situation normale la graisse brune est consommée en 7 à 10 jours.
La complémentation minérale est-elle suffisante ?
Les mises-bas longues peuvent être liées à des carences en magnésium, en calcium, en sélénium, à des déséquilibres phosphocalciques. Un manque d’activité en fin de gestation (manque de place en bâtiment, rentrée en bergerie longue) peut également être responsable.
Les signes majoritaires sont ceux de souffrance fœtale (voir partie consacrée plus bas). Dans le cas de carence en sélénium on retrouvera également des signes sur les muscles (cœur cuit et/ou muscle de la cuisse très blanc).
Des avortements sont-ils présents ?
Des agneaux trouvés morts à terme peuvent malgré tout être des avortons, même en absence de maladies connues. Des anomalies sévères de contenu : hémorragies et contenu très congestif (rouge), présence d’eau autour du cœur ou dans la cavité abdominale sur un agneau n’ayant pas respiré, des gencives très rouges voire violettes sont des signes d’infections in-utéro. La multiplication de ce type d’agneau demande une exploration bactériologique. De nombreuses maladies abortives se vaccinent. Parfois, lorsque le nombre de morts est élevé une antibiothérapie est nécessaire sur les brebis.
Concernant l’aide à la naissance
L’agneau a-t-il souffert pendant l’agnelage ?
Une souffrance fœtale à l’agnelage est signe d’un retard entre le souhait de naître et la sortie de l’agneau. Un manque de contraction, un retard à la dilatation, un agneau trop gros ou mal placé va retarder l’agnelage et mettre l’agneau en souffrance. L’émission de la première crotte dans le ventre de sa mère en est un signe. Lorsque l’agneau a la laine jaune, le méconium a coloré le liquide amniotique et souillé son poil. Si l’agneau est resté engagé vivant dans le passage, sa langue peut gonfler parfois au point qu’il lui est impossible de fermer la gueule. Au contraire, un rectum rempli de méconium est le signe que l’agneau n’a pas souffert : soit il est mort avant le déclenchement de la naissance, soit la mise bas a été suffisamment rapide.
A-t-il respiré ?
Un agneau qui a respiré n’est pas un mort-né, même s’il est trouvé mort le matin sans signe que la brebis l’ait léché. La mise en place de la respiration est la partie la plus difficile de la naissance. Si l’agneau y est parvenu c’est qu’il était sauvable. Au niveau des poumons l’aspect est très caractéristique. La première respiration déplie les alvéoles pulmonaires ce qui lui donne une couleur rose pâle. Plus le poumon est rose, plus les alvéoles sont dépliées. L’air dans les poumons prend de la place, il est donc plus gros et plus souple sur un agneau ayant respiré. Lorsque le démarrage est chaotique, que l’agneau fait des apnées, la surface est plus lisse et plus foncée que sur un poumon normal. Si les poumons sont compacts, qu’ils ressemblent à du foie (rouge violet) c’est que l’agneau n’a pas respiré du tout.
S’est-il levé ?
Pour limiter les déchirures utérines à la naissance, les onglons sont protégés par une couche de corne caoutchouteuse peu résistante. Cette corne s’effrite au fur et à mesure que l’agneau se lève et marche. Un agneau faible aura la corne quasi intacte, un agneau qui s’est levé et a marché, a usé sa corne qui s’enlève par morceaux.
A-t-il tété ?
Le remplissage de la caillette donne une idée très précise de la quantité de lait ingérée. Pour des agneaux que l’on a sondé ou biberonné, la quantité distribuée peut-être excessive : on peut retrouver une caillette éclatée (du lait dans l’abdomen) ou du lait dans les poumons. Dans des circonstances normales, le lait dans la caillette est partiellement caillé (des grumeaux sont présents). Des tétines bouchées, une mammite, un agneau trop faible ou froid sont des causes fréquentes de manque de tété. Ce constat est à interpréter en lien avec l’état des onglons (s’il est faible les onglons ne sont pas usés) et l’état de la graisse brune (froid = plus de graisse).