- Par Christelle Dubois-Frapsauce
Causes de mortalité des agneaux nouveau-nés
Le taux de mortalité moyendes agneaux entre 0 et 60 jours est de l’ordre de 15 à 20 % dont les 2/3 dans les dix premiers jours de vie. La préparation de la mise bas, la surveillance de celle-ci et des premières heures de vie de l’agneau permettent d’éviter les principales causes non infectieuses de mortalité des agneaux nouveau-nés.
Origine des pathologies
Liée à la vie intra-utérine
- Un développement placentaire insuffisant, par exemple suite à une alimentation insuffisante de la mère sur le deuxième et le troisième mois de gestation peut entraîner un manque d’oxygène chronique, une hypoglycémie fœtale et des désordres métaboliques. Cela peut conduire à la mort prématurée du fœtus, mais s’il naît à terme, il sera plus sujet à l’hypothermie.
- Si la mère est sous-alimentée en fin de gestation, les réserves énergétiques du fœtus, particulièrement en graisses sont affectées : la tolérance de l’agneau à courte période de dénutrition sera moindre.
- Des carences maternelles en sélénium et cobalt peuvent aggraver le manque de résistance au stress thermique et retarder la première prise de colostrum.
- Un stress de la brebis peut aussi provoquer une naissance prématurée.
Déroulement de la mise bas
Un travail laborieux et/ou la compression du cordon ombilical peuvent aussi entraîner un défaut d’oxygénation de l’agneau à naître : ces stress peuvent induire une inhibition de sa régulation thermique.
Ajustements physiologiques à la naissance
La maturation des organes s’accélère pendant les deux dernières semaines de gestation pour conduire aux adaptations suivantes à la naissance :
- Adaptation à la respiration aérienne (maturation des poumons et ajustements cardiovasculaires),
- Adaptation afin que les reins remplacent le placenta comme organe excréteur et de contrôle de la balance électrolytique,
- Adaptation de la digestion pour utiliser au mieux la valeur nutritive du colostrum et permettre au nouveau-né des activités exigeantes comme la station debout et les tétées,
- Adaptation du système immunitaire au passage d’un milieu stérile à un milieu septique.
Pathologies induites
Naissance prématurée
L’agnelage à terme a lieu en général 147 jours après la conception.
Si le fœtus naît vivant plusieurs jours avant, sa taille sera inférieure à la normale, les sabots seront mous, la laine courte et clairsemée (les agneaux de portée multiple de certaines races peuvent présenter cet aspect). La mort peut survenir dans les minutes après la naissance par détresse respiratoire (défaut de maturation des poumons) à quelques heures par hypothermie.
Le syndrome hypothermie
Il représente une des causes les plus fréquentes des mortalités de l’agneau de moins d’une semaine.
Par rapport à son poids, l’agneau a une surface corporelle importante avec chez certaines races une laine peu développée : ceci explique les pertes rapides de chaleur si l’agneau n’est pas léché par sa mère ou séché par le berger. Si la mère a été suffisamment nourrie depuis le milieu de gestation, l’agneau possède les réserves nécessaires dans les muscles et le foie pour lui permettre de maintenir une température corporelle de 39/40°C pendant quelques heures. Cette durée peut varier selon le comportement maternel de la brebis et les conditions météorologiques. Sur un site exposé au mauvais temps, l’agneau peut mourir si les pertes de chaleur sont supérieures à sa propre production de chaleur. Si l’agneau reçoit du colostrum à intervalles réguliers et en quantité suffisante et est capable de se mettre à l’abri derrière sa mère ou des végétaux, ses chances de survie augmentent.
Si la température de l’agneau diminue de 2 à 3°C, le réflexe de succion disparaît et l’agneau mourra en l’absence d’intervention. A partir de 37°C, l’agneau sera abandonné par sa mère. A 35°, il a du mal à tenir debout puis tombe en décubitus latéral. Il tombe dans le coma à 25°C et meurt à 20°C.
Les agneaux morts d’hypothermie ont souvent moins de 6 heures, durée d’utilisation de leurs réserves.
A l’autopsie, le signe principal sera la disparition du tissu adipeux entre les muscles, autour du cœur et des vaisseaux coronaires pour ne persister qu’autour des reins. Le tube digestif peut être vide ou contenir de faibles quantités de colostrum plus ou moins digéré.
Le traitement consistera à réchauffer et nourrir l’agneau.
Tout agneau avec une température de 37 à 39°C, quel que soit son âge doit être rentré en bergerie, séché et nourri en le mettant sous sa mère après vérification de la mamelle ou alimenté par sonde avec du colostrum s’il a moins d’un jour, du lait s’il est plus vieux.
Si la température descend en dessous de 37°C, on réchauffe les agneaux de moins de 5/6 h (ils peuvent encore mobiliser leurs réserves d’énergie), on prend régulièrement la température jusqu’à 37°C et on les nourrit comme précédemment. Pour les agneaux de plus de 6 heures qui n’ont plus de réserves, il est impératif de les nourrir avant de les réchauffer pour prévenir une hypoglycémie lors de la reprise d’activité motrice. Si l’agneau peut déglutir, on utilise une sonde gastrique pour lui administrer du colostrum, sinon des injections intrapéritonéales de glucose isotonique seront utilisées à raison de 10 ml/kg.
La prévention du syndrome d’hypothermie se fera en prenant en compte les risques de l’environnement, les capacités maternelles. Une adoption réussie peut permettre de sauver un agneau que sa mère ne peut pas nourrir.
L’inanition
Apparaît lors d’un manque total ou partiel de colostrum puis de lait. En particulier si l’agneau est trop faible pour téter, que la mère n’est pas assez maternelle, qu’il existe une compétition entre agneaux d’une même portée, que la production de colostrum ou de lait est nulle ou trop faible. Une hypoglycémie sévère survient chez l’agneau. Lors de températures normales, l’agneau peut mourir de convulsions s’il ne reçoit pas de glucose.
APPORTS DE COLOSTRUM NÉCESSAIRE DANS LES 24 PREMIÈRES HEURES
Intérieur, atmosphère sèche,
t° de 2 à 10°C :
210 ml/kg
Extérieur, pluie, vent :
280 ml/ kg
L’inanition peut avoir des effets à moyen terme par dysfonctionnement de l’absorption intestinale et entraîner des troubles de la croissance. La mort survient le plus souvent sur des agneaux de plus de 24h d’âge.
De plus, une restriction de colostrum prive l’agneau des immunoglobulines nécessaires à sa défense contre les maladies néonatales (colibacilloses, arthrites, pneumonies…). En effet, à la naissance, les agneaux n’ont pas assez d’IgG et leur système immunitaire ne peut pas en fabriquer assez rapidement pour lutter contre les infections dans la première semaine de vie. Il va donc les recevoir par le colostrum.
Pour un bon transfert d’immunité passive, la prise de colostrum doit être de 100 ml/kg de PV dans les 6 premières heures.
Il faut également que la qualité du colostrum soit satisfaisante, c’est-à-dire qu’il doit présenter une concentration en IgG de 75 g/l. Enfin, le taux d’absorption des IgG varie selon l’heure de la buvée : il est maximal pendant les 6 premières heures et nul après 24 à 36 heures.
Pour compenser les éventuels manques de colostrum des mères, plusieurs solutions sont à prévoir :
- Prélever le colostrum d’une brebis du même lot qui a mis bas dans les 6 heures précédentes
- Constituer une banque de colostrum en congelant du colostrum de première traite en bouteilles de 50 ml remplies aux ¾ avec décongélation au bain marie à 35/40 °C.
- Utiliser des compléments de colostrum en prévoyant 15 à 25 g d’Ig par agneau.
Autres pathologies
Blessures et traumatismes
- Hémorragie cérébrale, hypoxie après un agnelage prolongé
- Fracture des côtes sur de gros agneaux, fractures des membres
- Déchirures cutanées lors de tractions intempestives
- Rupture du foie
- Ectopie intestinale par le cordon ombilical : extériorisation juste après la naissance de l’intestin grêle à travers l’anneau ombilical. Peut parfois être réduite chirurgicalement si prise en charge très rapide.
Anomalies, malformations
- Suite à l’administration de certains anthemlminthiques en début de gestation (nétobimin, albendazole),
- Fente palatine…
- Epithéliogenesis imperfecta : développement anormal du derme et de l’épiderme, du collagène présent dans la peau, les os, les tendons. Les lésions principales, visibles dès la naissance ou apparaissant dans les premiers jours ou semaines de vie, sont une perte de la corne de l’onglon, la peau des extrémités distales des membres est rouge, vésicules ou ulcères sur la muqueuse buccale, lésions de la cornée, troubles articulaires et fragilité osseuse.
- Imperforation de l’anus
L’anus n’est pas ouvert et l’agneau ne peut pas évacuer le méconium. Au bout de 24/48h, l’agneau est ballonné, ne tête pas et présente des efforts. Une simple incision de la peau peut permettre une défécation immédiate et une évacuation des gaz si le cul de sac rectal se trouve immédiatement sous la peau.
Ataxie enzootique de l’agneau
Due à une carence en cuivre de la mère. Se manifeste dans les formes sévères, par des signes de faiblesse, de grandes difficultés à se lever, des tremblements de la tête, et dans des formes moins graves, par une incoordination motrice et une difficulté pour téter.
L’entretien des brebis en gestation, leur préparation à l’agnelage permettent d’avoir des agneaux d’un bon poids à la naissance, vigoureux et qui vont rapidement téter.
Des agneaux plus chétifs seront plus fragiles et moins actifs. Les soins de l’éleveur autour de la naissance seront donc d’autant plus importants pour éviter refroidissement et inanition. Une grande vigilance dans les heures qui suivent la naissance permet de réduire notablement les mortalités des nouveau-nés.