Les échinococcoses - Partie 1 : Echinococcus granulosus

Un précédent article abordait le faux tournis, symptôme neurologique de la cœnurose du mouton : il montrait la relation entre le chien comme hôte définitif de Tænia multiceps, et le mouton comme hôte intermédiaire.

Nous aborderons cette fois un second genre de parasite de la famille des vers plats ou Taeniidés, responsables des échinococcoses et faisant intervenir un cycle chien–mouton pour l’une de ces espèces.

Les  échinococcoses - Partie 1 : Echinococcus granulosus

Observés déjà par Hippocrate (460 à 370 avant JC) chez l’homme, 4 espèces ou complexes ont été décrits :

- Complexe d’Echinococcus granulosus : chiens ou canidés, hôtes intermédiaires variés tels qu’ovins, bovins, caprins, équidés, camélidés et porcins.

- Echinococcus multilocularis : renards ou canidés

- Echinococcus oligarthus

- Echinococcus vogeli

Les deux premières représentent les principales sources de zoonose du point de vue médical et de santé publique, l’homme intervenant en tant qu’hôte intermédiaire accidentel. L’OMS estime leur atteinte commune à plus d’un million de personnes vivant avec la maladie dans le monde, avec une qualité de vie réduite même sous traitement, et un risque vital en l’absence de traitement !!

Le coût annuel de l’échinococcose cystique (E. granulosus) est estimé à 3 milliards de dollars (traitement des cas humains, pertes économiques en élevage) alors même que la maladie est évitable puisque le chien, hôte définitif, peut être vermifugé !!

Echinococcus granulosus

10 souches ont été mises en évidence par analyse de l’ADN mitochondrial, avec pour chacune une aire de répartition géographique définie, ainsi que des hôtes intermédiaires plus ou moins nombreux (Mac Manus 2003 / G3 buffle et bovins, G4 spécifique des équidés par exemple). L’hôte définitif commun à toutes les souches est le chien, à l’exception d’une souche spécifique du lion.

Echinococcus granulosus était au départ un parasite de l’hémisphère Nord, qui s’est répandu tout autour du globe grâce à l’homme et son bétail lors des colonisations des derniers siècles. La prévalence chez l’homme peut atteindre 5 à 10% dans certaines régions d’Afrique de l’Est, d’Asie centrale, de Chine et du Pérou !

Actuellement, le parasite est présent dans toutes les zones d’élevage ovin, avec une prédilection pour le pourtour méditerranéen en Europe et Afrique du Nord, ainsi que la Grande-Bretagne.

Cycle

L’adulte ne fait que quelques millimètres de long, se nichant dans les villosités intestinales de l’intestin grêle de son hôte définitif.

Hôte définitif : chien, autre carnivore possible.

La contamination se fait par ingestion de tissus parasités : les kystes une fois avalés libèrent les protoscolex qui se transforment en 4 à 6 semaines en adulte de 4, maximum 5, segments. Le ténia adulte mature est hermaphrodite et produit des segments appelés proglottis contenant chacun de 100 à 1500 œufs qui seront disséminés dans l’environnement par les selles du chien, à raison d’un proglottis tous les 14 jours.

La durée de vie de l’adulte varie de 6 à 10 mois, mais peut atteindre 2 ans.

Les œufs sont très sensibles à la dessication (mort après 4 jours à une humidité relative de 25 %) et à de fortes températures (< 5 min à 60-80°C). Ils sont par contre très résistants dans l’environnement dans des conditions idéales de température et d’humidité, leur survie pouvant alors atteindre deux ans.

Les œufs peuvent être transportés passivement par le vent, la pluie, et la faune.

Un chien pouvant être porteur jusqu’à 200 adultes parasites pondeurs, sa capacité de contamination du milieu extérieur est donc d’autant plus importante qu’il couvrira de distance. D’autre part, le chien ne développe aucune immunité vis-à-vis de son parasite, et peut donc être porteur-excréteur toute sa vie en zone contaminée.

A part le lion porteur d’une souche bien particulière, les félidés ne sont pas des hôtes pour E granulosus : celui-ci est par exemple incapable d’atteindre chez le chat le stade pondeur à risque pour l’homme.


Hôte intermédiaire : ovin, autre herbivore et omnivore possible.

L’hôte va avaler les œufs soit par ingestion d’herbe souillée par les excréments de chien porteur, soit dans le cas de l’homme par contact direct avec le chien ou par absorption des œufs de parasite sur des légumes ou de l’eau contaminée.

Une fois ingéré, l’œuf libère des oncosphères, forme du parasite qui va traverser la paroi intestinale et migrer dans l’hôte pour atteindre des organes comme le foie et les poumons :

- Foie si passage par un vaisseau sanguin

- Poumons si passage par un vaisseau lymphatique

- D’autres organes via la circulation sanguine si les larves ne s’arrêtent pas dans le tissu pulmonaire.

Chaque oncosphère formera une structure appelée kyste hydatique contenant les protoscolex, forme d’attente du parasite dans l’hôte intermédiaire.

Kyste hydatique : structure vésiculaire en forme de sphère contenant du liquide sous pression, mesurant de quelques millimètres à plusieurs centimètres de diamètre. Il nécessite plusieurs mois de développement pour atteindre le stade mature, contenant alors plusieurs milliers de protoscolex.

Symptômes

- Hôte définitif :

aucun symptôme.

- Hôte intermédiaire habituel :

rares, souvent en fonction de la taille et de l’emplacement des kystes hydatiques (compression des organes adjacents).

Les pertes économiques liées à l’échinococcose cystique portent sur la réduction du poids de carcasse, de la baisse de production du lait, de la réduction de la fertilité, ainsi que de la perte de valeur des peaux et de la saisie des foies.

- Homme :

présence des kystes dans le foie à 65 %, les poumons 25 %, puis les muscles 5 %, les os 3 %, les reins 2 %. On peut en trouver 1 % dans rate, cœur, yeux et système nerveux central.


La longévité des kystes peut atteindre 53 ans chez l’homme.

Les symptômes dépendent de la localisation, du nombre et de la taille des kystes : la maladie sera asymptomatique les premières années post-infestation, la croissance annuelle des kystes étant de 9 mm. Les symptômes non spécifiques comporteront asthénie (fatigue intense), anorexie et perte de poids. Dans le cas d’un kyste hydatique du foie, apparaîtront des douleurs abdominales, nausées et vomissements. Si la forme est pulmonaire, la présence de kyste provoquera toux, douleurs thoraciques et essoufflement.

La mortalité survient dans 1 à 2 % des cas même en cas de traitement.

L’échinococcose secondaire et le choc anaphylactique représentent le risque majeur chez l’homme : lors de la rupture accidentelle ou chirurgicale d’un kyste, les protoscolex sont capables de se disséminer dans l’hôte et de former chacun un nouveau kyste hydatique (échinococcose dite secondaire).

D’autre part un choc anaphylactique peut se produire par contact avec le liquide hydatique.

Diagnostic

Chien :

Direct par :

- Coproscopie : peu fiable car indifférenciable des autres œufs de ténia, et relargage irrégulier dans les excréments.

- Autopsie

- Traitement à l’arécoline : peut être dangereux pour le chien (diarrhée douloureuse) et l’environnement direct, et ne marche pas chez tous les chiens.

Indirect par :

- Mise en évidence de coproantigènes produits par le parasite, pas toujours suffisamment spécifique.

- PCR des selles pour une mise en évidence de la présence ou non du parasite.

Hôte intermédiaire :

- Autopsie

- Echographie

- PCR pour identification de la souche

Anticorps sériques (ELISA) : peu intéressante en diagnostic individuel, cette méthode est surtout intéressante pour du suivi d’élevage.

Homme :

- Imagerie médicale (scanner, IRM, échographie, radiographie)

- Test immunologique en confirmation par détection d’anticorps spécifique.

- Biopsie : sert à confirmer les résultats d’imagerie, mais très à risque de choc anaphylactique ou d’échinococcose secondaire.

Traitement

Hôte définitif :

Traitement du chien avec

- Praziquantel (Droncit R) à dose de 5 mg par kg de poids vif en une seule administration pour une élimination totale des Cestodes, à effectuer toutes les 6 semaines en contrôle, 2 x à 7 jours d’intervalle en traitement.

- Epsiprantel (Cestex R).

Hôte intermédiaire :

aucun traitement économiquement envisageable !!

Benzimidazoles : à dose de 50 mg par kg de poids vif pendant 3 mois dans le cas du mébendazole !!

A l’abattoir : saisie et destruction des organes et de la carcasse.

Homme  
  • Chirurgie :

- ablation du kyste et de la partie de l’organe environnant.

- uniquement pour des kystes de taille suffisante et bien situés chirurgicalement.

- risque de rupture avec choc anaphylactique ou échinococcose secondaire.

  • Méthode Ponction-Aspi- ration-Injection-Réaspiration :

le liquide du kyste est ponctionné en partie, puis une solution stérilisante est injectée. L’opération est répétée plusieurs fois et le kyste laissé en place pour dégénérer dans les jours qui suivent.

  • Traitement médicamenteux :

si les autres méthodes ne sont pas envisageables, albendazole à raison de 15 mg par kg de poids vif, en 3 à 6 cures de 21 jours. L’efficacité n’est que de 50% et est accompagnée d’effets secondaires importants (alopécie, hépatite, agranuocytose).

Le taux de mortalité post-opératoire est estimé par l’OMS à 2,2% de moyenne, avec 6,5% de cas de rechute.

Prévention

Les programmes de prévention nationaux reposent avant tout sur les campagnes de sensibilisation des populations à risque, et la vermifugation des chiens, hôte définitif. Les mesures de lutte vont également porter sur le renforcement de l’hygiène dans les abattoirs et du contrôle des aliments.

Un vaccin prometteur est en cours de développement pour l’espèce ovine : il se base sur un antigène de l’oncosphère (EG95) et permettrait d’éviter la contamination des agneaux.