- Par Jacky Guyard, Bonilait Proteines - Laurent Saboureau Dr Vétérinaire
Sécuriser le sevrage des agneaux surnuméraires
L’augmentation de la productivité est l’un des principaux leviers de la performance des ateliers ovins viande. C’est l’une des raisons de l’utilisation de plus en plus fréquente de races prolifiques en élevage.
Cependant, l’augmentation du nombre d’agneaux par mise bas n’est rentable que si les agneaux surnuméraires peuvent être sevrés avec succès. Il faut donc «sécuriser» l’alimentation lactée de ces agneaux sortis de leur milieu naturel. Pour cela, le bon respect de la technique d’allaitement artificiel et le choix de l’aliment d’allaitement sont deux éléments très importants.
Réussir le passage à l’allaitement artificiel
L’alimentation des brebis au cours des 6 dernières semaines de gestation est déterminante pour le poids de naissance des agneaux et la qualité du colostrum. A noter que chez les agneaux présentant un poids de naissance inférieur à 2 kg, le taux de mortalité peut atteindre 50%. Au cours du dernier tiers de la gestation, il faut donc porter une attention particulière à l’équilibre de la ration et supplémenter celle-ci avec des vitamines (A, D3, E), des oligo-éléments (sélénium) et des macro-éléments (notamment phosphore).
Juste après la naissance, le colostrum est essentiel pour la survie de l’agneau nouveau-né. Constitué d’immunoglobulines, de vitamines, de minéraux, il est essentiel pour la survie du nouveau-né en raison de :
- Son apport en anticorps pour lutter contre les infections microbiennes : les agneaux naissent sans anticorps et la mise en place de leur propre immunité ne sera effective qu’après 6 semaines. Le colostrum apporte des anticorps (transfert d’immunité passive) pour lutter contre les infections.
Pour être efficace, il doit être bu dans les premières heures suivant la naissance,
- Son apport en énergie pour lutter contre les déperditions thermiques : l’agneau dispose de faibles réserves de graisse. Il est primordial de le placer dans un environnement favorable (pas de courant d’air, température de 18°C) et de lui apporter suffisamment d’énergie via le colostrum,
- Son apport en vitamines : teneurs en vitamines A et E beaucoup plus élevées que celles du lait,
- Son effet laxatif pour l’évacuation du méconium («déchets» accumulés au cours de la gestation).
Après la désinfection du cordon ombilical par pulvérisation d’une solution iodée ou d’un produit spécifique, il convient de laisser les agneaux destinés à l’allaitement artificiel 12 à 24 heures avec les brebis afin qu’ils ingèrent suffisamment de colostrum. Un agneau de 3 kg doit consommer 0,6 litre de colostrum de bonne qualité dans les 24 heures et 0,15 litre par repas. Si l’agneau n’a pas consommé de colostrum (agneau «creux»), il faut distribuer du colostrum préalablement congelé d’autres brebis ou du colostrum de vache : 0,2 litre à la naissance et 0,8 litre au total dans les 24 premières heures.
Même chez les agneaux qui paraissent avoir bu du colostrum maternel, l’astuce efficace est d’apporter un complément de colostrum avec une dose de seringue colostrale. Ensuite, une période de jeûne de 6 heures facilitera l’apprentissage de la tétée.
Apporter une attention particulière au local et au matériel
L’aménagement de la nurserie doit permettre d’assurer une hygiène parfaite et une ambiance saine :
- Cases pouvant être nettoyées au nettoyeur haute-pression et désinfectées entre chaque lot,
- Litière propre et renouvelée quotidiennement,
- Bonne ventilation,
- Sol en pente avec une évacuation des jus par un caniveau,
- Source de lumière constante pour une fréquentation régulière de la louve.
L’espace est organisé en plusieurs cases selon l’âge des agneaux :
- Une case de démarrage de quelques m² pour les jeunes animaux ne sachant pas téter, avec une température minimale de 18°C pour les agneaux de moins de 8 jours (lampes chauffantes à 60 cm du sol),
- Une ou plusieurs cases pour les animaux plus âgés sachant téter. Elle sera équipée d’un abreuvoir (l’éloigner le plus possible des tétines) et d’un râtelier (4 agneaux/m², 3 à 5 m3 par agneau, 25 cm de longueur d’auge).
L’utilisation d’une machine d’allaitement (communément appelée «Louve» par référence à une célèbre marque) n’est recommandée que lorsqu’il y a plus de 15 agneaux à allaiter artificiellement.
Dans le cas contraire, une distribution au seau multi-tétines ou au biberon sera plus adaptée. Dans ces derniers cas, il faut respecter :
- Lors de la préparation, les recommandations d’utilisation de l’aliment d’allaitement : Température de préparation de 45 à 55°C, concentration de 180 à 200 g/litre d’eau (= 155 à 170 g/litre de buvée), temps de mélange d’au minimum 30 secondes,
- Lors de la distribution : température de distribution de 40°C à 42°C, 3 repas/jour la première semaine puis 2 repas/jour,
- L’hygiène du matériel de distribution : l’ensemble est nettoyé après chaque distribution.
En cas d’utilisation d’une machine d’allaitement, il faut lui prévoir un emplacement adapté qui permet une arrivée d’eau isolée du froid et un système d’écoulement des eaux usées. La machine doit être positionnée le plus près possible des supports de tétines pour limiter la longueur de tuyaux (max 2 mètres).
Pour des longueurs de tuyaux plus importantes, il faut prévoir une isolation pour limiter le refroidissement de l’aliment d’allaitement.
La hauteur de la louve doit permettre aux tétines d’être positionnées légèrement au-dessous du niveau du lait dans le bol. Les tétines sont, elles, positionnées de façon à ce que les agneaux lèvent la tête pour téter. La hauteur des tétines doit donc être ajustée en fonction de la taille moyenne des agneaux du lot, d’où l’intérêt de constituer des lots homogènes. On prévoit 1 tétine pour 15 agneaux, les tétines étant espacées de 20 cm entre elles.
Enfin, le réglage et l’entretien de la machine d’allaitement impose de :
- Calibrer la concentration (procédure détaillée sur la notice de l’appareil). Cette opération permet d’ajuster le réglage de la concentration. Elle doit être effectuée au minimum avant chaque lot d’animaux. La concentration préconisée est de 180 à 200 g/ litre d’eau,
- Vérifier la température de préparation (placer un thermomètre dans le bol de préparation). La température de préparation recommandée est de 44°C minimum dans le bol de préparation. Attention, avec une température inférieure à 40°C la fusion des matières grasses est incomplète. Elle provoque alors un encrassement du système et la digestibilité de la matière grasse est limitée. La température de distribution recommandée est de 40°C au niveau des tétines,
- Nettoyer chaque jour le bol de préparation et les supports de tétines et 2 fois par semaine les tuyaux et les tétines (prévoir 2 jeux de tuyaux et tétines). Les agneaux allaités artificiellement sont plus exposés aux pathologies infectieuses. Un nettoyage et une désinfection régulière des équipements sont essentiels pour limiter la prolifération des agents pathogènes.
Préparer le sevrage dès la première semaine
Afin de limiter les coûts d’aliment d’allaitement et les risques sanitaires, l’objectif est un sevrage autour d’un mois à 1,5 mois d’âge, entre 12 et 14 kg de poids vif. Pour limiter le stress digestif que représente ce sevrage, les agneaux doivent consommer à ce moment-là au moins 200 g de concentré par jour.
Pour arriver à cet objectif, il faut mettre à disposition dès les premiers jours :
- de l’argile supplémentée en principes phytothérapiques (type 0111020), afin d’apporter une sécurité digestive,
- un aliment 1er âge facilement digestible (type 0200380) et apporté en petite quantité et renouvelé régulièrement ; il éveillera la curiosité des animaux,
- de l’eau propre et tempérée (>10°C), accessible en permanence ; veiller à la propreté des abreuvoirs. La qualité bactériologique de l’eau de forage doit être contrôlée régulièrement (1 à 2 fois par an),
- une paille de bonne qualité dans un râtelier ; éviter d’utiliser le foin qui présente des valeurs alimentaires plus variables et une action mécanique moins importante au niveau du rumen.
Sur le plan sanitaire, la colibacillose et le «raide» apparaissent dès les premiers jours de vie. Ces maladies peuvent être évitées par la mise en place d’un plan préventif sur les mères ou les agneaux en bas âge. Les troubles digestifs d’origine parasitaire, cryptosporidiose et coccidiose, apparaissent respectivement dans la première semaine et en fin de premier mois. L’utilisation de principes phytothérapiques dans l’argile, mise à disposition en libre-service, doit permettre d’aider à limiter les risques d’apparition.
Les enterotoxémies apparaissent entre 3 et 5 semaines à l’allaitement artificiel ou après sevrage pour l’ensemble des agneaux. La vaccination des brebis permet de limiter l’incidence de la maladie. La vaccination pratiquée sur les agneaux ne sera, elle, efficace qu’à partir de la seconde injection de primovaccination. D’une façon générale, le développement des enterotoxémies est souvent observé lors de période de changement alimentaire. Il est donc impératif de ménager des transitions alimentaires.