- Par ARVALIS
Céréales d’hiver La vernalisation : un passage au froid nécessaire pour fleurir
Les cultures semées à l’automne ont généralement besoin de températures basses pour fleurir au printemps. Si elles sont semées au printemps, elles restent le plus souvent végétatives et ne produisent pas d’épis. Le processus physiologique responsable de ce comportement est la « vernalisation ».
Pour passer de l’état végétatif à l’état floral, les céréales d’hiver ont besoin de séjourner à des températures suffisamment basses pendant leur phase juvénile. C’est la vernalisation, phase que l’on peut définir comme l’acquisition ou l’accélération de la capacité de fleurir suite à un traitement au froid.
Les cellules du bourgeon sont le site de perception de ce froid.
Des températures optimales comprises entre 3 et 10°C
Ce processus qui se fait sans modification morphologique visible (on ne distingue un bourgeon vernalisé d’un bourgeon non vernalisé qu’à l’aide d’une loupe binoculaire) requiert des températures optimales comprises entre 3 et 10°C (températures moyennes journalières). En dehors de cette fourchette, il est ralenti, voire stoppé, si les températures descendent en-dessous de - 4°C ou excèdent 17°C.
A la fin de ce processus (maturité de vernalisation) qui intervient en général au cours du tallage herbacé, la plante acquiert une capacité, mais ne produit pas encore de fleurs. En revanche, cette capacité reste stable car elle est mémorisée et transmissible vers d’autres bourgeons au cours du temps : quand le bourgeon terminal a atteint la maturité de vernalisation, l’ensemble des bourgeons issus de la même plante produira des fleurs dès lors que les exigences en photopériode seront comblées par la suite.
Des besoins propres à chaque variété
Chaque variété de blé tendre d’hiver possède ses propres exigences en jours vernalisants ; ces exigences correspondent à la note d’ « alternativité » donnée lors de l’inscription. Les variétés « alternatives », comme Alhambra, Altamira ou Obiwan, ont de faibles besoins (15 à 20 jours « efficaces »), à l’opposé des variétés « hiver » telles que KWS Extase, Fructidor et Bergamo (45 à 60 jours vernalisants). A noter qu’il existe une interaction avec la durée du jour pour les variétés photosensibles, ce qui peut conduire à un ralentissement du processus de vernalisation.
Tant que ces besoins ne sont pas remplis, la différenciation des jeunes apex en inflorescence ne se fait pas et l’épiaison ne peut avoir lieu. En revanche, le stade épi à 1 cm peut être atteint par le simple jeu de l’élongation des entre-nœuds.
Des dates de semis à adapter aux besoins en vernalisation
Ces besoins en vernalisation indiquent la date jusqu’à laquelle une variété de blé peut être semée pour être sûr d’épier en temps et en heure. Les semis très précoces ne rencontreront jamais de conditions rédhibitoires pour ce critère même si quelques jours à des températures élevées peuvent retarder marginalement la maturité de vernalisation.
C’est dans les régions à hiver doux et soumises à une influence maritime que les besoins sont les plus rapidement acquis sur une large plage de dates de semis.
En revanche, dans les zones à hivers rigoureux (Nord-Est, Bassin Parisien), les variétés à forts besoins en vernalisation doivent être semées très tôt car une partie des températures sont suboptimales pour la vernalisation (en dessous de 3°C) et ralentissent le processus.
Quelles conséquences des semis retardés ?
Le retard de semis se traduit par un cycle des cultures globalement retardé, mais de manière moins que proportionnel : un décalage de plus d’un mois au semis se traduit le plus souvent par moins d’une semaine à l’épiaison. Même en situations de semis tardif, la vernalisation pourra se faire et le plus souvent ne pas être non limitante. Néanmoins, pour les parcelles qui n’ont pas été encore semées, il convient désormais de sélectionner les variétés à implanter, en écartant les variétés dites « hiver » ou « très hiver » (notes d’alternativité 1 à 3) qui nécessitent une longue période de vernalisation, puis de ne retenir que des variétés à notes d’alternativité croissante lorsque les semis sont davantage retardés (tableau 1).
Ne pas confondre avec la résistance au froid
Vernalisation et résistance au froid sont deux notions distinctes mais néanmoins liées.
La résistance au froid est notamment liée à la capacité de la plante à s’endurcir au froid, et à conserver cette aptitude.
Cet endurcissement correspond à un phénomène d’adaptation de la plante lorsqu’elle est soumise progressivement à des températures inférieures à 10°C (température optimale de 3°C d’après les travaux canadiens). Ce phénomène d’accumulation progressive de résistance au froid est simultané à la vernalisation de la plante. Les variétés alternatives, à plus faibles besoins en vernalisation ont donc une moindre capacité d’endurcissement, comparativement aux variétés de type hiver. Le désendurcissement, c’est-à-dire la perte de résistance au froid, intervient essentiellement lorsque les températures remontent : très lent pour des températures juste au-dessus de 0°C, il s’accélère sensiblement au-dessus de 10°C. Une fois que la vernalisation est terminée, le désendurcissement n’est plus réversible : les plantes ne pourront plus s’endurcir à nouveau.