La tonte, c’est du sport !

Dans quelques semaines, les meilleurs tondeurs du monde vont s’affronter à le Dorat, dans le département de la haute-Vienne. Une première en France !

C’est en effet du 1er au 7 juillet 2019 que se déroulera le Championnat du monde de tonte de moutons dans une petite ville de moins de 2000 habitants.


Le métier de tondeur, peu connu du grand public, parfois même du monde agricole, l’est encore moins en tant que sport. Faire comprendre ce qu’est la tonte  mais, aussi, quels en sont les objectifs est l’un des créneaux de l’AMTM (Association pour le Mondial de Tonte de Mouton). Avec elle, dressons le portrait de ces tondeurs !

La tonte,  c’est du sport !

Tondeur, un métier physique et technique

Le métier de tondeur professionnel est revendiqué, en France, par environ 200 tondeurs regroupés au sein de l’Association des Tondeurs de Moutons - ATM - seule structure, totalement indépendante, fédérant les professionnels.

Elle a trois principaux secteurs d’activité :

- La formation des aspirants tondeurs par des tondeurs instructeurs,

- L’organisation de concours de tonte nationaux et internationaux,

- La publication d’une revue professionnelle «Déshabillez-moi».


Le métier de tondeur ne demande pas spécialement une force phénoménale mais, plutôt, une bonne endurance au travail physique, une souplesse du dos et de toutes les articulations et un bon contact social. La technique de tonte la plus utilisée, et préconisée par l’ATM, est la méthode «bowen» dite «méthode néo-zélandaise». L’ATM réalise l’édition d’un petit livret, fourni aux stagiaires lors des stages d’initiation de tonte. Cette méthode allie au mieux l’efficacité du travail sur toutes les races ovines, le respect de l’animal et l’aisance du tondeur (diminution de la fatigue). Elle rend également le tri et le ramassage de la laine particulièrement facile.

Un métier à discipline sportive


En 1958, en Nouvelle-Zélande, un groupe de jeunes éleveurs de moutons a eu l’idée d’organiser un concours de tonte. Les tondeurs de toute l’île au Nuage Blanc sont venus rivaliser de vitesse et d’adresse. Devant le succès et l’engouement du public, Laurie Keats, Lain Douglas et Graham Buckley organisent, en 1961, le premier Golden Shears, au Memorial Stadium, à Masterton. La foule s’y presse, immense, et les plus grands tondeurs participent à ce concours que retransmet la télévision. Des inter-défis entre la Nouvelle-Zélande et l’Australie sont organisés.

Des sponsors majeurs arrivent, attirés par la médiatisation et, en 1977, c’est le premier championnat du monde. Le Golden Shears World Council, créé en 1980 par la Nouvelle-Zélande, l’Australie et la Grande Bretagne, en codifie les règles et en assure la maîtrise. Depuis, tous les 2 ans, un Championnat du monde de tonte est organisé. Des tondeurs français, sous la bannière de l’ATM, participent à ces championnats qui sont organisés, pour la plupart, dans l’hémisphère Sud. Pour l’instant, même s’ils en étaient aux portes, aucun Français n’a encore été en finale lors de ces championnats du monde. Néanmoins, le niveau français a fortement progressé grâce aux échanges de travail et à la participation à de nombreux concours à l’étranger.

En parallèle, l’ATM organise, sur tout le territoire national, des concours de tonte, afin de faire connaître la discipline et le métier, ainsi que, chaque année, un championnat de France.


La tonte professionnelle relève d’une véritable performance sportive. La préparation physique intègre du foncier avec de la natation, du football et, lors des compétitions, les tondeurs y ajoutent du cardio. Cet entraînement, indispensable pour anticiper au mieux ces compétitions, conduit d’ailleurs à un double objectif. Si la confrontation avec les autres équipes, dont les meilleures mondiales, fait progresser le niveau national français, l’entraînement fait également évoluer le savoir-faire et la capacité de tonte individuelle tout en générant une émulation interne positive.

Les néo-zélandais ont inclus l’étude de ce métier dans leur système universitaire et au travers de thèses sur l’entraînement sportif. Malgré l’absence de coaching ou d’entraînement structurés, faute de temps et d’argent, certains tondeurs français connaissent, pourtant, une progression remarquable. Sur le plan mental, lors des concours de tonte comme dans tout sport, les compétiteurs vont s’isoler pour mieux se concentrer, en s’adossant à des techniques telles que le yoga ou la méditation. Ce qui a pu conduire, en Nouvelle-Zélande, à des records de 867 brebis tondues, en 9 heures de travail et 12 heures de présence, par des tondeurs qui se focalisent sur ces compétitions ; ce qui n’est pas le cas en France. C’est malgré tout fondamental que les tondeurs français, depuis des années, se soient confrontés à leurs homologues étrangers, apportant ainsi leur pierre à la progression de toute la filière. En faisant évoluer la pratique, ils contribuent à la reconnaissance de la profession et aux évolutions techniques d’un métier particulièrement difficile, car savoir tenir la bête, sans la blesser ni la traumatiser, peut être physiquement douloureux pour le tondeur.

A l’heure actuelle, les meilleurs tondeurs en France sont dans l’ex-région limousine.


Devenir tondeur


Depuis de nombreuses années, pour répondre aux demandes des professionnels mais, aussi, des particuliers, des stages de tonte ont été mis en place, et vont du stage initiation et débutant (3 jours) au stage de perfectionnement (2 à 4 jours). Ils peuvent être complétés par des stages “tri de laine” (une journée intégrée dans les stages de perfectionnement) et tonte aux ciseaux (en général 2 jours).


Les stages initiation se déroulent, en partie, dans des structures d’enseignement national agricole et dans des centres de formation pour adultes. Les stages organisés par l’ATM s’adressent aux élèves motivés pour tondre leurs propres brebis, mais, aussi, pour ceux qui souhaiteraient devenir tondeurs. Ces stages sont une bonne base de formation pour les éleveurs et bergers afin de mieux connaître les outils propres à la tonte et leur manipulation, afin d’intervenir sur leur troupeau, pour un éventuel écussonnage (lorsque la brebis souffre de diarrhée afin de dégager le derrière de la brebis des laines souillées, terrain favorable pour l’implantation des oeufs de la mouche à ‘’myiase’’) ou en cas de blessures graves qui demanderaient une suture afin de dégager la laine autour de la plaie.


Les stages débutants s’adressent à toute personne souhaitant devenir tondeur ou tondeuse. L’objectif est d’apprendre à tondre des brebis selon la méthode Néo-Zélandaise qui s’est avérée la plus adaptée aux outils utilisés et à la collecte de la laine (pour faire un tri bénéfique en vue de la transformation lainière). Le but final est de savoir tondre une brebis, en autonomie.

Malgré tout, trois jours de stage ne suffisent pas pour apprendre à tondre. Après le stage débutant, il est conseillé de rejoindre une équipe de tondeurs expérimentés pour être accompagné dans son apprentissage, puisque l’exercice du métier, comme c’est souvent le cas, permet d’avancer dans la maîtrise de la technique et de la méthode.


Les stages de perfectionnement vont permettre de corriger les fautes des débutants avant qu’elles ne deviennent de mauvaises habitudes.


Pour les tondeurs confirmés, comme dans tout métier, sont proposés des stages de ‘’super perfectionnement’’ où seront surtout étudiés l’aisance et le rythme nécessaires pour gagner en rapidité tout en travaillant proprement, en étant perpétuellement attentif au respect de l’animal et de la laine récoltée. Les stages de « tonte aux ciseaux » sont organisés en direction des tondeurs qui veulent connaître le maniement de l’outil traditionnel.


Non, le mouton n’a pas mal


La méthode de tonte pratiquée par les professionnels permet à l’animal de se laisser aller et de ne pas trouver d’appuis pour se relever. Le mouton n’est pas entravé. Il est donc libre de ses mouvements. Le tondeur n’utilise pas la force pour contenir l’animal et on constate que le mouton est tranquille. Les moutons doivent être tondus à jeun. Cela évite que la panse ne comprime les poumons et rende la position du mouton inconfortable. Les coupures sont rares et, pour la plupart, superficielles. Elles sont soignées immédiatement.


Au-dessus de 10°, un mouton fraîchement tondu et en bonne santé n’a pas froid, à condition qu’il ne soit pas mouillé ou en plein vent. Si la tonte est utile à l’homme, pour collecter une matière première naturelle aux qualités uniques, elle est surtout une condition du bien-être animal, indispensable à sa bonne santé. C’est pour cela que, dans l’apprentissage de la tonte, la contention de la brebis est l’élément majeur à appréhender avant toute chose, dans le respect perpétuel du bien-être animal. On va alors parler du ‘’toucher’’ lors des formations débutants. En effet, lors de la tonte de l’animal, la contrainte de la machine oblige le tondeur à manipuler la brebis dans différentes positions pour faire le tour de la toison. Vu que la main droite est prise par la machine et que la main gauche doit préparer la peau pour le passage de la tondeuse, il ne reste que les genoux et les pieds du tondeur pour tourner la brebis dans les différentes positions. Pour apprendre l’enchaînement de ces différentes positions, l’instructeur fait longuement s’entraîner les novices avec une brebis entre les jambes avant de leur mettre une tondeuse dans les mains. Ce n’est que bien après qu’il sera expliqué comment fonctionne et comment est constituée une tondeuse.

LA TONTE, UNE NÉCESSITÉ POUR LE BIEN-ÊTRE ANIMAL
La laine du mouton est une fibre dont la pousse est continue. Une laine non tondue se transforme en cocon de laine feutrée, humide, qui moisit et ac-cueille de nombreux parasites : tiques, larves de mouches… La laine est un excellent isolant. Mais, en épaisseur trop importante, en période estivale, elle peut provoquer un coup de chaleur pour le mouton, en empêchant l’évaporation de la sueur.

Les concours de tonte

Système de notation complexe


Lors d’un concours de tonte de moutons, dans la notation de la tonte, trois facteurs sont pris en compte. Illustration au travers d’un exemple :


LE TEMPS, Le plus évident

Une tonte effectuée rapidement diminue le temps de stress de l’animal. C’est donc un facteur primordial. Toutes les minutes que le tondeur passe à tondre ses brebis, il va concéder 1 point de pénalité toutes les 20 secondes (soit 3 points par minute). De ce fait, un tondeur ayant tondu 8 brebis en 8 minutes aura 24 points de pénalité de temps (point entier).


LE RESPECT de la laine pour la future transformation

Les juges de podium, effectuant une rotation devant chaque compétiteur, pénalisent les recoupes (second cuts), là où la laine est coupée deux fois. Les juges évaluent la quantité de laine coupée deux fois et appliquent une ou plusieurs marques de pénalité. Le tondeur concède 12 marques pour 8 brebis tondues soit 1,5 point entier (12 divisé par 8, la moyenne est faite sur le nombre de brebis tondues). A ce moment de l’évaluation, le tondeur a concédé 25,5 points (24 pénalités de temps + 1,5 pénalité de podium).


LES FINITIONS qui intègrent le respect de l’animal (blessures éventuelles) et la propreté du travail.

A l’arrière du podium, des juges évaluent les brebis sur la finition. Ils regardent les coupures, les griffures du peigne et si le tondeur a laissé des mèches et de la laine qui auraient dû être tondues. Pour notre tondeur témoin, ils ont trouvé de la laine sur le cou, évaluée à 4 marques de pénalité, une autre sur la croupe, pour 3 marques de pénalité, une coupure de la taille d’une pièce de 10 centimes, évaluée à 2 marques de pénalité, soit 9 marques de pénalité pour cette brebis.

En tout, pour ses 8 brebis, notre tondeur a concédé 56 marques de pénalité, soit 7 points entiers (56 divisé par 8, on fait la moyenne sur le nombre de brebis tondues). Au total notre tondeur cumule 24 points pour le temps, 1,5 point sur le podium et 7 points de finition, soit 32,5 points.


Le tri de la laine, une deuxième étape de notation


Un concours de tonte comporte deux aires de jugement. Sur le podium, le travail des compétiteurs trieurs est jugé pendant la compétition. Puis, hors du podium, après le passage des compétiteurs, leurs différents lots de laines triées sont présentés aux juges. Il y a deux types de laine jugés : la toison «pleine laine» (laine de 12 mois) étalée et triée sur une table de tri puis roulée et déposée dans une caisse, la laine d’agneau, triée au sol.

Chaque compétiteur a deux tondeurs dédiés qui tondent, en décalé, un nombre de brebis différent selon les phases qualificatives. Sur le podium, le compétiteur doit séparer, lors de la tonte, différentes parties de la toison de la brebis : le ventre, l’écusson (l’entre pattes arrières) et les chaussettes, la casquette, les laines courtes (mèches courtes), les défauts de couleur (laines noires), la laine longue (la majeure partie de la toison). Il doit ensuite les placer dans différentes caisses. Pour les toisons pleine laine, le compétiteur concède des points de pénalité (lors du lancer de la toison sur la table de tri) pour les parties de laine tombées à coté de la table et pour les parties qui se superposent sur la table. Pour la laine d’agneau, le compétiteur doit «aérer» la toison. Un zéro indique une toison bien aérée et il concède 35 points de pénalité pour une toison mal aérée. Lorsque le dernier des deux tondeurs du concurrent éteint sa machine, le chrono est lancé. Le facteur temps joue également un rôle essentiel dans le tri de la laine. Les caisses de tri seront ensuite examinées pour valider si leurs contenus sont correctement repartis ; tout mélange de laine, notamment mis dans la caisse «roulée», étant pénalisé.