Faire reproduire son chien ou sa chienne, bonne ou mauvaise idée ?

Quand on pense au renouvellement de son chien de travail, il est très naturel de vouloir un descendant ou une descendante direct de son chien ou de sa chienne, surtout si celui-ci ou celle-ci nous apporte de grandes satisfactions. 

Néanmoins, vouloir « garder son sang » est un peu illusoire, le sang se dilue de génération en génération !

Faire reproduire son chien  ou sa chienne,  bonne ou mauvaise idée ?

Attention aussi à certains écueils affectifs : on risque de demander à ce chiot d’être exactement le même que le précédent, d’être trop exigeant avec lui alors qu’il n’a ni l’expérience, ni la complicité que le précédent avait avec nous ; il faut donc avoir conscience que ce nouveau chien sera une nouvelle histoire et non un clone.

Ensuite, pour avoir la démarche la plus rationnelle possible, voici quelques questions à se poser :

Mon chien / chienne a-t-il suffisamment de qualités pour le faire reproduire ?

Qualités comportementales

De récentes études scientifiques tentent à démontrer que les caractéristiques comportementales d’un chien ont un fort déterminisme génétique, entre autres :

- L’adaptabilité 

- La résilience (capacité à surmonter un traumatisme)

- La sociabilité humain (être à l’aise et rechercher le contact avec les humains)

- La sociabilité congénère (être à l’aise et bien communiquer avec les congénères).


  • Les questions à me poser...
    - mon. ma chien/ne n’est pas perturbé(e) dans les nouveaux environnements.
    - mon.ma chien/ne, suite à un stress, se remet rapidement de ses émotions.
    - mon.ma chien/ne est à l’aise avec les inconnus.
    - mon.ma chien/ne communique aisément avec un chien inconnu.


Qualités morphologiques

Le physique du chien de travail est souvent négligé voire méprisé comme critère de sélection.  C’est une erreur. Il n’en faut pas oublier sa morphologie !

En effet, notre chien de travail fournit des efforts intenses toute la journée : si sa morphologie est en adéquation avec le travail à fournir, il en limitera les efforts, pourra gagner en endurance et en diminuera les risques de blessure sur le long terme.

C’est ici que la notion : « la structure détermine la fonction » prend tout son sens.

Le chien, quadrupède, possède un poids réparti à 60 % sur les antérieurs et 40 % sur les postérieurs. Néanmoins les membres pelviens (postérieurs) sont très actifs dans la locomotion. Il ne possède pas de clavicule contrairement à l’humain. Ceci signifie que l’épaule du chien (omoplate) n’est rattachée au reste du corps que par sa ceinture musculaire.

Le Border Collie, au troupeau, a la particularité d’avoir une allure rasante proche du sol ce qui confère d’autant plus de contraintes sur ses membres antérieurs.

La locomotion du Border Collie au troupeau est caractérisée par des changements de direction rapides et répétés, une succession de transition entre la position couchée et debout, sans parler des accélérations/décélérations successives.

Cette fonction particulière du Border Collie de travail nécessite que l’on s’attarde à sa structure et ses angulations.

Nous rechercherons à avoir un équilibre dans les angulations entre l’avant main et l’arrière-train, à savoir :

- un angle entre l’omoplate et la ligne horizontale rouge équivalent à 45° tout comme celle de la hanche avec l’horizontale.

- un angle entre l’omoplate et l’humérus équivalent à 105° tout comme celui entre la hanche et le fémur.

- un angle entre l’humérus et le radius équivalent à 140° tout comme celui entre le fémur et le tibia.

- une longueur équivalente entre les segments omoplate (garrot à la pointe de l’épaule) et humérus (pointe de l’épaule à la pointe du coude).

Tout déséquilibre sur les angles ainsi que la longueur des segments entraînera une amplitude de mouvement non optimale engendrant un effort supplémentaire pour un même mouvement donné.

Il en est de même pour les aplombs. L’aplomb correspond à la rectitude des membres dans différents plans (de face, de profil et vue d’avion). Cette dernière est recherchée puisque les défauts d’aplomb favorisent les maladies ostéo-articulaires et les défauts d’allure chez le chien.

Une déviation par rapport à la verticale est une surcharge sur les articulations et la surface plantaire entraînant une fatigue prématurée de ces articulations, de ces tendons et ligaments.


Veillez à vérifier les aplombs de vos chiens (du stade chiot jusqu’au stade sénior) afin de corriger à temps un défaut structural qui engendrera un défaut de la fonction locomotrice.

Le chien de travail doit garder sa sélection au travail mais n’oublions pas que si la « mécanique » ne suit pas, votre compagnon ne vous sera pas d’une grande aide !


Qualités de travail

Qu’est ce qu’un bon chien de travail ? Vaste question….

Il y a des qualités transversales : 

- Une bonne dressabilité : l’envie de collaborer de faire équipe.

- De bonnes capacités d’apprentissage 

- Une bonne lecture des animaux. 

- Du sang froid et de la présence.

Mais un bon chien c’est surtout celui qui vous convient !



Les questions à me poser..
- Sur quel type d’animaux travaillez vous : espèce ? fuyant ou opposant ? en plein air intégral ou en bâtiment ?
- Avez-vous besoin d’un chien qui rabat ou qui pousse ?
- Êtes vous patient ou sanguin ? souple ou dur ?


Comment choisir un/ une partenaire pour mon/ma chien/chienne ?

- Choisir le chien du voisin ? solution simple mais souvent simpliste….

- Choisir un champion ? oui mais… Avoir des qualités est une chose, les transmettre en est une autre ! Sans compter qu’ils reproduisent souvent beaucoup, appauvrissant ainsi le pôle génétique et pouvant potentiellement transmettre une maladie encore inconnue, infestant ainsi le cheptel pour de nombreuses années, au regard de leurs nombreuses productions.

- Choisir un chien qui a des qualités qui compensent les défauts du notre ? Hasardeux…. La génétique correctrice fonctionne seulement dans 13 % des cas. En effet si vous marriez un chien noir à une chienne blanche, les chiots ne seront pas gris car les gènes ne fusionnent pas ! 

- Utiliser la cynophilie (clubs de races) ? Mille fois oui !!! L’étude des pedigrees est essentielle : elle permet d’éviter la consanguinité, de travailler en lignées proches (line breeding) ou en lignées différentes (out crossing).  Elle permet aussi de connaître le palmarès des chiens en compétition. D’ailleurs la FSDS propose une banque d’étalons potentiels sur son site. 


Les questions à me poser...
- Avez-vous vu le chien travailler en conditions réelles ? Dans différentes situations ?
- Ce chien a t-il déjà reproduit ? Transmet-il ses qualités ? Avec des partenaires différents ?
- Le pedigree est-il intéressant, pertinent avec mon chien ?
- Les tests de santé (radio de la dysplasie des hanches, fond d’œil pour l’APR (atrophie progressive de la rétine) ont-ils été réalisés ?
- Les tests génétiques sont ils compatibles avec mon chien ? *


Tableau Tests génétiques pertinents :

AOC    (Anomalie de l’œil du colley) appelé aussi CEA : il existe différents stades de la maladie, mais le risque majeur reste la cécité.

• IGS    Malabsorption de la vitamine B12 qui entraîne des dommages neurologiques et du système nerveux.

• RAINE    Usure précoce des dents qui entraîne une perte des dents. 

• SN    Dégénérescence des cellules nerveuses sensorielles et motrices.

• NCL    épilepsie, comportements agressifs liés à une dégénérescence neurologique.

• TNS    Maladie auto immune qui affaiblit le système immunitaire et qui conduit à une multitude d’infections.

• GGD    Glaucome qui endommage le nerf optique et qui conduit à la cécité.


Par rapport à ces 7 maladies, il y a trois statuts possibles : 

  • SAIN  (Ne sera jamais malade et ne peut pas transmettre la maladie),
  • PORTEUR SAIN  (Ne sera jamais malade mais peut transmettre la maladie), 
  • ATTEINT (Sera malade et transmettra la maladie).


Ainsi, seuls ces trois mariages seront possibles : 

Sain x Sain = 100 % Sain

Sain x Porteur = 50 % Sain + 50 % Porteur

Sain x Atteint = 100 % Porteur


Si je décide de faire reproduire ma chienne, ai-je conscience des contraintes que cela entraîne ?

  • Produire des chiots, c’est d’abord des frais incompressibles

Tests de santé, inscription aux livres généalogiques, matériel, aliments de qualité, vermifuge, vaccins, identification.

Et parfois imprévus : lait maternisé, césarienne….

  • Produire des chiots, c’est devoir se passer de sa chienne sur l’exploitation pendant quelques mois. 
  • Produire des chiots, c’est leur consacrer du temps pour les éveiller, les socialiser afin de les préparer à leur vie future.
  • Produire des chiots, c’est aussi et surtout, leur trouver des propriétaires responsables.

Attention, cela peut être très frustrant car la loi est très claire, une fois vendu, le producteur du chiot n’a aucun droit sur son devenir.  Certains producteurs mettent des contraintes sur leur contrat de vente  (par exemple de non reproduction ou retour chez l’éleveur en cas de problème). Ces clauses sont abusives et non avenues.

Alors, faire reproduire votre compagnon de travail, vous tentez l’expérience ?????

 


Elsa Penel 

enseignante en zootechnie canine avec la collaboration précieuse de Grégory Bielle-Bidalot